<92>Toutes ces raisons firent que le Roi fut obligé de se contenter d'avoir gagné une bataille au commencement d'une guerre, et qu'il borna ses projets à empêcher que M. de Browne ne fît des détachements, ou, s'il en faisait, d'en envoyer d'aussi forts au secours du camp de la Saxe.
L'armée prussienne de Bohême était de la moitié plus faible que celle des Impériaux; mais les troupes étaient si bonnes, si bien disciplinées, et les officiers si valeureux, qu'elles se comptaient, sinon supérieures, du moins égales à l'ennemi. Quelle que soit la bonne opinion qu'on a de soi-même, la sécurité est toujours dangereuse à la guerre, et il vaut mieux prendre des précautions superflues, que de négliger les nécessaires; et comme le nombre était du côté des Autrichiens, que d'ailleurs le Roi aurait pu se voir obligé à faire des détachements, il ordonna qu'on travaillât à élever quelques batteries et à retrancher les parties les plus faibles de son camp; cela se trouva d'autant mieux fait, qu'on apprit le 6 que M. de Browne avait détaché à la sourdine quelques régiments de son armée; que ce corps, taxé à six mille hommes, ayant passé par Raudnitz, s'avançait vers Böhmisch-Leipa, pour suivre de là la route qui mène en Saxe. Quoique ce détachement ne causât pas de grandes appréhensions, le Roi en avertit le margrave Charles et le prince Maurice demeurés en Saxe, et il se mit à la tête d'un renfort de cavalerie, pour les mener au camp de Sedlitz, où il n'était resté que trente escadrons; ce qui n'était pas suffisant pour arrêter les Saxons, surtout s'ils avaient entrepris de percer du côté de Hellendorf et de Teplitz. Sa Majesté partit le 13 de Lowositz avec quinze escadrons, et arriva le 14 à midi à son armée, qu'elle trouva à Struppen, quartier que le roi de Pologne avait occupé durant tout le temps de la bloquade des Saxons.
Les choses avaient entièrement changé de face en Saxe, depuis que le Roi avait pris le commandement de son armée en Bohême : la bataille de Lowositz avait frappé la cour; elle n'espérait que faiblement dans l'assistance des Impériaux. Les troupes étaient menacées d'une disette prochaine, ce qui fit tenter aux généraux saxons de se frayer eux-mêmes un chemin à travers les Prussiens : leur projet étant de se sauver en passant l'Elbe, ils