<104>contre les Français et les Saxons, devenant désormais inutiles sur la Werra, furent alors employées contre l'armée de l'Empire. A peine avait-on battu un ennemi, qu'il en fallait attaquer un autre. M. de Schenckendorff les conduisit au mois de mars contre un corps de quatre mille hommes des cercles, postés près de Schwarzbourg,a qu'il défit, et dont il ramena douze cents hommes prisonniers, et cinq canons.
Ayant ainsi mis sous vos yeux les événements d'une campagne qui, ne respectant point les hivers, affrontait toutes les saisons, il faudra jeter à présent un coup d'œil sur ce qui se passait dans les cabinets des princes. La France commençait à se ressentir de la durée de cette guerre; elle s'affaiblissait par l'interruption totale de son commerce, par les pertes qu'elle faisait dans les Indes orientales et occidentales, et par les dépenses énormes que lui coûtait la guerre d'Allemagne. L'alliance avec la maison d'Autriche avait perdu la fleur de la nouveauté, de sorte que le premier enthousiasme de la mode en était passé. Le peuple, cet animal à beaucoup de langues et à peu d'yeux, se plaignait de la guerre, dont il portait le fardeau, et qu'on faisait pour la maison d'Autriche, l'ennemie héréditaire de la France. Une voix plus respectable, celle des gens sensés, s'élevait de même contre cette guerre qui ruinait le royaume pour agrandir un ennemi réconcilié, et cette voix commençait à prendre le dessus. Mais la cour avait des vues particulières.
Il y a dans tous les États un nombre de citoyens qui, loin du tumulte des affaires, les envisagent sans passion, et en jugent par conséquent sainement, tandis que ceux qui tiennent en main le gouvernail, n'envisagent ces objets qu'avec des yeux fascinés, ne raisonnent que sur des fantômes que leur imagination leur
a Dans les meilleures relations contemporaines, le combat du 2 avril 1761 est appelé combat de Saalfeld; cette localité est à l'est de Schwarzbourg. Au lieu de ce dernier nom, il faut peut-être lire Schwarze, village près duquel se passa proprement l'action. Voyez les Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen, 1761, no 4-6.
Frédéric-Auguste de Schenckendorff, frère cadet du général mentionné t. IV, p. 226, né dans la Nouvelle-Marche en 1710, devint général-major le 24 mars 1759, et le 5 juin de la même année, chef du régiment d'infanterie no 9. Voyez ci-dessus, p. 5 et 20.