<106>longer un enthousiasme qui lui était si avantageux, et de ne quitter les armes qu'après avoir entièrement mis en exécution le projet qu'elle méditait contre la Prusse. Cependant, pour ne point indisposer la France, et pour concilier en apparence des intérêts aussi incompatibles, elle proposa la tenue d'un congrès général à Augsbourg, persuadée de flatter la France par cette condescendance, d'affecter en même temps aux yeux du public une conduite pleine de modération; ce qui en effet ne pouvait préjudicier en rien à ses intentions ni à ses intérêts, parce qu'elle pouvait traîner cette négociation autant qu'elle le jugerait convenable, et pousser, en attendant, la guerre avec vigueur durant la campagne qui allait s'ouvrir, et sur le succès de laquelle elle fondait les plus grandes espérances.
La proposition de ce congrès fut faite à Londres par le prince Ga-lizin, ministre de Russie auprès du roi de la Grande-Bretagne. Les rois de Prusse et d'Angleterre y donnèrent les mains avec d'autant moins de répugnance, qu'ils avaient eux-mêmes proposé ce congrès l'année précédente, sans que leurs ennemis daignassent alors y répondre. La France cachait des vues plus profondes sous ces apparenées pacifiques. Elle proposa à l'Angleterre une suspension d'armes et l'envoi réciproque de ministres, pour terminer leurs différends à l'amiable. Ses vues secrètes étaient d'amuser l'Angleterre par cette négociation, pour retarder les préparatifs immenses que cette nation faisait sur mer, pour lui faire perdre cette campagne, remettre sa flotte en état, engager l'Espagne dans cette guerre; ou, si les Anglais se trouvaient dans des dispositions assez modérées pour qu'on pût conclure la paix, la France se proposait de devenir, sous le masque de médiatrice, l'arbitre du congrès d'Augsbourg, et d'y jouer un rôle semblable à celui qu'elle avait fait au congrès de la paix de Westphalie. Après quelques paroles portées de part et d'autre, le ministère britannique consentit à l'envoi réciproque des ministres, et, en même temps, déclina la conclusion de la suspension d'armes, jusqu'à ce qu'on fût convenu des préliminaires. Le Roi, qui connaissait la façon de penser de ses ennemis, nomma des ministres pour le congrès d'Augsbourg. Leur instruction portait de recevoir toutes les propositions qu'on leur ferait, sans y donner de