<130>souvent été battus. D'ailleurs, comme il ne tenait à rien, et qu'il n'avait point de protection à la cour de Vienne, il ne voulut rien hasarder; il se contenta de la réputation que la prise de Schweidnitz lui avait faite, et il continua de se tenir sur ses montagnes dans une inaction parfaite.
Nous ne devons pas omettre un fait dans cet ouvrage, qui caractérise et cette guerre, et l'esprit du temps. Le margrave Charles était chargé de la correspondance avec les ennemis. Les Prussiens avaient un cartel avec les Autrichiens, que ces derniers rompaient quand ils croyaient y trouver leur avantage. Il y avait près de deux ans qu'ils n'avaient voulu consentir à aucun échange de prisonniers. Ils payaient mal et irrégulièrement les soldats et les officiers, et forçaient les premiers, par les châtiments et la rigueur, de prendre service dans leurs troupes. Des traitements si durs donnèrent lieu au margrave d'en écrire à M. Loudon, et il lui marqua, entre autres, qu'il semblait que les Autrichiens renonçaient aux usages que les chrétiens observaient ordinairement dans leurs guerres, et qu'ils adoptaient les principes des infidèles, qui traitent leurs prisonniers en esclaves, et ne les rançonnent jamais. M. Loudon y répondit que l'Impératrice se croyait dispensée de garder des engagements envers le roi de Prusse; qu'il n'était plus question de cartel; qu'elle ne lui garderait sa parole sur rien; et qu'elle en userait envers les prisonniers comme elle le jugerait à propos. M. Loudon, honteux de ce qu'on lui faisait écrire, ajouta de sa propre main, au bas de la lettre, qu'il se flattait bien qu'on reconnaîtrait, par le style de cet écrit, qu'il ne sortait pas de sa plume. Tel était l'acharnement et la haine de la cour de Vienne, dont même elle avait communiqué le poison à ses alliés. Quelle que fût l'animosité que l'Impératrice eût contre le roi de Prusse, ne devait-elle pas sentir qu'en manquant de parole à qui que ce fût, elle ne faisait du tort qu'à elle-même?
Sur la fin d'octobre, les affaires s'embrouillèrent tellement en Poméranie, que le Roi ne put se dispenser d'y envoyer de nouveaux secours. Il fit partir M. de Schenckendorffa avec six bataillons et dix escadrons. Nous verrons dans peu à quel usage ce détachement fut employé. Le Roi tint sa position de Strehlen
a Frédéric-Auguste de Schenckendorff.