<137>traints de se retirer toutes les années sur leurs frontières par une poignée de monde qu'on leur opposait. Il semble que ce ne fût plus cette même nation si redoutable sous Charles XII; aussi était-elle bien dégénérée depuis que la forme de son gouvernement avait changé. Ses troupes faisaient la guerre sans établir de magasins, et sans caissons pour leurs vivres, obligées par conséquent de se mettre en petits corps pour subsister. Il se présentait toujours des occasions où on les pouvait battre en détail; mais ce n'était pas là le plus grand inconvénient. La racine du mal tenait, dans leur armée, à ces factions qui divisaient les généraux et les officiers, à ces haines de partis qui les animaient plus les uns contre les autres que contre les ennemis qu'ils devaient combattre. Il est à croire qu'ils ne pourront avoir des succès à la guerre que lorsqu'ils auront aboli les abus de leur forme de gouvernement.
Nous avons dit que M. de Platen était en pleine marche pour la Saxe, et il est à propos de reprendre ce qui se passa cette année dans l'armée du prince Henri. Nous avons laissé S. A. R. au camp de Meissen et des Katzenhauser, le maréchal Daun à ses camps du Windberg et de Dippoldiswalda, et l'armée des cercles entre Hof et Plauen. S. A. R., qui devait observer le maréchal Daun, et le suivre au cas qu'il marchât en Silésie, s'était proposé de ne point s'éloigner des bords de l'Elbe, pour passer cette rivière en même temps que les ennemis. En attendant, pour tenir les Autrichiens en haleine, et les réduire en quelque sorte à la défensive, le prince fit harceler ou attaquer tous les détachements que le maréchal Daun avait tant soit peu éloignés de son armée. M. de Kleist, entre autres, délogea d'auprès de Freyberg les quatre régiments de dragons saxons qui faisaient mine de vouloir s'y établir. Ce général, après les avoir poursuivis vers Dippoldiswalda, profita de l'occasion pour tomber à l'improviste à Marienberg sur le corps de M. Török, qu'il contraignit de se réfugier en Bohême. M. de Seydlitz, de son côté, donna la chasse à M. de Ried, qui abandonna sa position de Kesselsdorf, et se replia en hâte sur le camp du Windberg. Les Autrichiens souffrirent tranquillement ces petites bravades, et les traitant en bagatelles, ils ne pensèrent pas même à en prendre leur revanche.