<14>le camp de Babimost, et n'y vit que la queue des colonnes et l'arrière-garde, qui suivaient le chemin de Crossen. Il fit d'abord abattre ses tentes, se mit en marche, attaqua les troupes ennemies qui s'étaient établies à Kay, espérant de les battre avant que leur armée pût les joindre; mais les affaires tournèrent autrement. Les Russes étaient bien postés : on ne pouvait aller à eux que par un front de sept bataillons de largeur, resserré des deux côtés par des marais. Les Russes étaient comme en demi-lune, sur trois lignes, occupant des tertres chargés de sapins. M. de Wedell enfonça leur première ligne; lorsqu'il voulut attaquer la seconde, son infanterie se trouva exposée à un si grand feu de mitraille, partant de différentes batteries établies en croisière, qu'elle n'y put résister. On fit à trois reprises de nouveaux efforts, mais en vain. Le grand mal venait de ce que M. de Wedell ne pouvait pas opposer assez de canon à celui de l'ennemi. Il avait perdu du monde, et voyant peu d'apparence de réussir, il ne voulut pas sacrifier le reste inutilement. Il prit la résolution de se retirer; les troupes passèrent le lendemain l'Oder à Tschicherzig, pour se camper à Sawade. Pour les Russes, M. de Soltykoff les mena à Crossen. M. de Wedell perdit dans cette journée entre quatre et cinq mille hommes;a il n'est pas apparent que la perte des ennemis ait été considérable, parce que le terrain était à leur avantage.

Cet événement acheva de déranger les mesures que le Roi avait prises jusqu'alors. Après l'échec que M. de Wedell venait de recevoir, il ne pouvait plus s'opposer sans de considérables renforts aux progrès de M. de Soltykoff. Francfort et Cüstrin étaient en danger par la position qu'il avait prise à Crossen, et si, dans peu, une armée prussienne ne s'approchait de Francfort pour défendre l'Oder, la ville de Berlin se trouvait exposée aux plus grands hasards. L'armée de Silésie n'était pas assez nombreuse pour qu'on pût l'affaiblir encore par de nouveaux déta-


a Voici ce que dit le rapport officiel de la bataille de Kay : « Notre plus grande perte consiste dans la mort du digne général-major de Wobersnow, qui s'est fait aimer partout, autant par sa noble façon de penser que par sa vaillance et ses qualités guerrières, et qui avait acquis à un haut degré la confiance de Sa Majesté. » Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen, 1759, no 90. Wobersnow était né en Poméranie, l'année 1708.