<151>tible, la Porte fit partir de gros détachements de Janissaires pour la Hongrie. Les forces qu'elle assembla à l'entour de Belgrad, montaient à cent dix mille hommes. Les pachas firent avancer ces troupes, et en formèrent un cordon le long des frontières des provinces appartenantes à l'Impératrice-Reine. C'était beaucoup pour la Porte; mais c'était peu pour la Prusse, à laquelle il fallait des secours effectifs. Comme cependant il n'y avait d'autre espoir à fonder en Europe que sur l'assistance de cette puissance, le Roi fit tenter de nouveau tous les moyens imaginables, tant à Constantinople qu'à Bagtcheh-Seraï, pour décider ces peuples à des partis et à des résolutions vigoureuses. L'hiver, à Breslau, il arriva un nouvel émissaire du Kan : c'était un pacha. Il confirma toutes les promesses que le barbier avait faites au Roi au nom de son maître; il assura que le Kan rassemblerait un corps de quarante mille hommes au printemps, comme cela se vérifia, et qu'il agirait ensuite comme le Roi le désirait. Cela n'eut point lieu. Nous verrons bientôt que les révolutions qui arrivèrent en Russie, firent une impression si étrange sur ces Orientaux, qu'elles arrêtèrent les mesures qu'ils étaient sur le point de prendre, et suspendirent tous leurs desseins. Le pacha cependant fut renvoyé avec des présents tant pour lui que pour son maître; car tout s'achète chez ces peuples. Le Tartare avait taxé ses actions et ses services : on lui payait tant pour une réponse favorable, tant pour assembler ses troupes, tant pour des ostentations, tant pour une lettre qu'on lui faisait écrire au Grand Seigneur. La différence qu'il y a de l'intérêt des Orientaux à celui des autres nations, est, ce me semble, que les premiers s'abandonnent à cette infâme passion et se déshonorent sans en rougir, et que les peuples de l'Europe en affectent au moins quelque honte.
Pendant qu'on tâchait ainsi de soulever l'Orient, les affaires s'embrouillaient de plus en plus en Angleterre. La France y avait fait passer M. de Bussy pour y négocier la paix. Sa présence n'endormait pas le ministère britannique au point qu'on s'en était flatté à la cour de Versailles. Peut-être y eut-il moins d'ardeur pour les armements que la nation préparait sur mer. Néanmoins les Anglais prirent l'île et le fort de Belle-Isle pendant ces négociations; ils s'emparèrent même de Pondichéry dans les Indes