<156>auxquelles le Roi ne pourrait jamais souscrire. Toutefois, comme la conjoncture était favorable pour sonder quel parti on pourrait tirer des bonnes dispositions de l'Empereur, le Roi dit, comme si cela lui échappait, que, bien loin de conserver le moindre ressentiment de ce qui s'était passé, il ne désirait rien avec plus d'empressement que de former avec l'Empereur les liens de la plus parfaite union. Cette déclaration fut accompagnée d'une lettre pour l'Empereur, conçue à peu près dans les mêmes termes, afin que ce prince ajoutât d'autant plus de foi au rapport que M. Gudowitsch lui ferait des sentiments du Roi pour lui. A peine M. Gudowitsch fut-il parti pour Pétersbourg, que M. de Goltza le suivit en qualité d'envoyé extraordinaire, pour complimenter l'Empereur sur son avénement au trône, mais surtout pour presser la négociation de la paix, et en hâter la conclusion avant l'ouverture de la campagne.

On n'était cependant pas sans appréhensions; car sur quel fondement pouvait-on supposer que la négociation de Pétersbourg prendrait une bonne tournure? Les cours de Vienne et de Versailles avaient garanti le royaume de Prusse à la défunte Impératrice; les Russes en étaient en paisible possession; un jeune prince parvenu au trône renoncera-t-il de lui-même à une conquête qui lui est garantie par ses alliés? L'intérêt, ou la gloire qu'une acquisition répand sur le commencement d'un règne, ne le retiendront-ils pas? pour qui, pourquoi, par quel motif y renoncera-t-il? Toutes ces questions difficiles à résoudre remplissaient les esprits d'incertitude sur l'avenir.

L'événement tourna mieux qu'on ne pouvait l'espérer; tant il est difficile de démêler les causes secondes, et de connaître les différents ressorts qui déterminent la volonté des hommes. Il se trouva que Pierre III avait le cœur excellent, et des sentiments


a Bernard-Guillaume baron puis comte de Goltz, fils aîné du général-major George-Conrad baron de Goltz, naquit le 6 octobre 1736. Il fut nommé conseiller d'ambassade en 1756, et le 5 février 1761, aide de camp, sans grade militaire. Le Roi, le destinant au poste de ministre plénipotentiaire à la cour de Russie, lui donna un brevet de colonel le 31 janvier 1762. Il passa à peine une année à la cour de Russie. A dater de 1769, il résida plusieurs années à Paris en qualité d'envoyé. Général-major d'infanterie depuis le 23 juin 1791, il mourut à Bâle le 5 février 1790.