<162>D'autre part, l'empereur de Russie poussait vivement son projet contre le Danemark. Il avait à la vérité résolu cette guerre; mais pour mettre dans cette rupture toutes les formalités de la justice, enfin pour qu'il parût que l'obstination des Danois l'avait forcé de rompre avec eux, il proposa l'assemblée d'un congrès à Berlin, où les ministres des deux partis devaient tâcher d'accommoder leurs différends sous la médiation prussienne. M. de Saldern, plénipotentiaire de l'Empereur, était chargé de demander aux Danois la restitution de tout le Holstein, qui avait anciennement appartenu aux ancêtres de Sa Majesté Impériale. Ce prince était bien persuadé que les Danois ne consentiraient jamais à des conditions aussi honteuses, et c'était le prétexte dont il voulait se servir pour se déclarer contre eux. Soixante mille Russes, qui devaient être joints par six mille Prussiens, étaient destinés pour cette expédition.
Le roi de Danemark, qui voyait cet orage s'amasser et prêt à fondre sur lui, avait donné le commandement de ses troupes à un officier de réputation : c'était M. de Saint-Germain. Il venait de quitter le service de France, pour quelque mécontentement que le maréchal de Broglie lui avait donné. M. de Saint-Germain se trouvait alors à la tête d'une armée indisciplinée, qui manquait d'officiers généraux capables de commander, d'ingénieurs, d'artilleurs, de train de vivres, en un mot, de tout. Il suppléa lui seul à ce qui lui manquait. Comme la caisse de guerre était mal pourvue, il rançonna la ville de Hambourg, qui lui fournit les sommes dont il avait besoin. Les ministres danois excusèrent cet étrange procédé sur la nécessité, qui n'a point de loi. M. de Saint-Germain s'approcha ensuite de Lübeck, dont il comptait s'emparer aussitôt que la guerre serait déclarée; et pour en éloigner le théâtre des frontières de son maître, il s'avança dans le Mecklenbourg avec une partie de ses troupes, et se campa, entre des marais et des étangs, dans un emplacement avantageux où probablement il aurait pu disputer aux Russes quelque temps l'entrée du Hol-stein. Nous l'abandonnerons au milieu de ses préparatifs, dont il serait superflu de faire un plus long détail, parce que cette guerre, que le Danemark craignait avec tant de raison, n'eut