<190>à Oranienbaum. L'Empereur, qui ne se doutait de rien, se mit en route le lendemain pour jouir de la fête que l'Impératrice lui préparait à Péterhof. Mais quelle fut sa surprise de n'y point trouver son épouse, et de ne pouvoir apprendre par aucun des domestiques de la cour ce que cette princesse était devenue! Bientôt le bruit de la révolution commença à se répandre. Cependant le mal n'était pas sans remède. Le maréchal de Münnich, qui se trouva auprès de l'Empereur, lui conseilla de se décider promptement; qu'il n'y avait point de temps à perdre en délibérations, mais qu'il fallait agir avec promptitude et résolution. « Vous n'avez que deux partis à prendre, lui dit ce vieillard vénérable. Mettez-vous à la tête des soldats russes et holsteinois qui gardent votre personne. Marchons avec eux droit à Pétersbourg. Je sacrifierai le peu de sang qui me reste, pour vous rétablir sur le trône. Croyez-vous que des rebelles tiendront contre leur maître légitime qui s'avance contre eux? Le crime est timide. Nous les disperserons sans peine, et vous triompherez des usurpateurs. Mais si ce parti vous paraît trop hasardeux, partez sans délai pour Kronschlot, allez avec votre flotte en Prusse, rassemblez-y votre armée, et revenez à sa tête punir des conjurés et des rebelles qui méritent les derniers châtiments. »
Tout sages qu'étaient ces conseils, ils ne furent point suivis. L'Empereur, qui ne s'était jamais trouvé dans le cas de prendre des résolutions hardies, fut surpris et consterné de l'événement qui le menaçait. Il changea sans cesse d'avis, et ne put se déterminer à rien. Il fallait fuir ou combattre. Il eut la faiblesse de vouloir négocier : il perdit le temps, et avec le temps l'espérance. Le lendemain, ce prince suivit, mais trop tard, un des avis que le maréchal Münnich lui avait donnés. Il s'embarqua avec sa cour pour Kronschlot. Le gouverneur, que les conjurés avaient eu le temps de mettre dans leur intérêt, menaça de tirer sur la barque de l'Empereur, s'il approchait davantage. Ce malheureux prince se vit obligé de retourner à Péterhof, où ses affaires furent sans ressource. L'Impératrice vint l'assiéger. Elle était à cheval à la tête des gardes, suivie d'une nombreuse artillerie. Elle envoya à son époux infortuné un acte d'abdication qu'on le força de signer. On prétend qu'il y eut une entrevue entre l'Impératrice et lui,