<220>trouvait entièrement isolé et sans alliés. Les sentiments de l'impératrice de Russie à son égard étaient équivoques; les Anglais agissaient envers lui moins en amis qu'en ennemis déclarés; les Turcs, étourdis de tant de révolutions arrivées en Russie, incertains du parti qu'ils devaient prendre, déclinaient l'alliance défensive qu'on leur proposait depuis si longtemps : le kan même des Tartares venait d'obliger le résident prussien à quitter sa cour. Outre toutes ces circonstances contraires, il y avait tout à craindre que la prolongation de la guerre n'occasionnât la peste en Saxe, en Silésie et dans le Brandebourg, parce que, la plupart des champs demeurant en friche, les vivres étaient rares et à un prix excessif, et les campagnes, dépeuplées d'hommes et de bestiaux, de sorte qu'on ne voyait dans toutes ces provinces que des traces affreuses de la guerre, et des précurseurs de plus grandes calamités pour l'avenir. Dans des conjonctures aussi cruelles, on avait tout à craindre en continuant la guerre. Si nous supposons même qu'on eût commencé la campagne qui était près de s'ouvrir, on n'aurait pas obtenu des ennemis, pour cela, de meilleures conditions; par un cercle vicieux, et après une défense inutile, on aurait été obligé d'en revenir à celles dont on se trouvait d'accord.
Les Autrichiens proposèrent la tenue d'un congrès; le Roi l'accepta d'abord. Ils nommèrent de leur part le sieur Collenbach ministre plénipotentiaire, et le Roi nomma de la sienne M. de Ilertzberg, son conseiller de Cabinet; on convint de plus que les conférences se tiendraient à Hubertsbourg, et, par un acte public, ce lieu, ainsi que son territoire, fut déclaré neutre. Les conférences commencèrent le 28 de décembre,a selon les formalités usitées.
Ainsi, dans ces temps heureux, les esprits échauffés et irrités par la guerre se calmèrent tout d'un coup du nord au sud de l'Europe. Nous avons vu les préliminaires signés entre la France et l'Angleterre. Le mauvais succès de ses armes, tant aux Indes qu'en Europe, y avait déterminé le ministère de Versailles; car, dès le printemps de cette année, les Anglais avaient conquis la
a La date exacte de l'ouverture des conférences est le 30 décembre 1762, comme on peut le voir par la première dépêche que M. de Hertzberg envoya de Hubertsbourg au Roi, en date du 31 décembre.