<221>Martinique, et durant l'été, ils avaient enlevé la Havane aux Espagnols, dont ils avaient entièrement abîmé la flotte. Ces malheurs, joints aux dépenses excessives de la France, et à l'impossibilité de trouver de nouvelles ressources, avaient enfin déterminé le conseil à la paix. Les Anglais, de leur côté, au lieu de faire une paix glorieuse, dont ils pouvaient dicter les conditions à leurs ennemis, gouvernés par le sieur Bute, sacrifièrent les intérêts de leurs alliés : ils avaient consenti que les Français restassent après la paix en possession des places de Wésel, de Gueldre, et de leur territoire. Non content de la manière dont ils foulaient aux pieds leurs engagements et la bonne foi des traités, le sieur Bute intriguait encore à la cour de Pétersbourg, et y semait des germes de méfiance et de soupçons contre le Roi, de sorte que celui-ci, ne pouvant compter sur aucune des puissances de l'Europe, avait tout lieu d'appréhender qu'il ne lui survînt de nouvelles brouilleries avec la Russie.
Cependant, dans cette agitation générale des affaires, où souvent les partis se prenaient sans poids et sans mesure, il arriva, sans doute contre l'intention du ministère britannique, qu'il rendit un service important à la Prusse : voici comment. A peine les préliminaires furent-ils signés, que, par un esprit d'épargne, ce ministère cassa toutes les troupes légères qui avaient servi dans l'armée du prince Ferdinand. De ce nombre fut la légion britannique, et ce corps, fort de trois mille hommes, passa au service du Roi; il fut joint par huit cents dragons prussiens de Bauer, et par autant de volontaires de Brunswic que le Roi avait engagés. Ce détachement, qui formait entre cinq et six mille hommes, eut ordre de se porter incessamment sur les frontières du duché de Clèves. Ce mouvement donna une étrange appréhension aux Français. Ils s'imaginèrent que le Roi projetait de faire une diversion, soit en Flandre, ou dans le Brabant. Ils communiquèrent leurs soupçons aux Autrichiens, qui firent sur-le-champ partir dix mille hommes pour gagner les bords du Rhin. Le ministère hanovrien, à son tour, se figura que, le cœur ulcéré de la conduite perfide des Anglais, le Roi s'en vengerait sur l'électorat de Hanovre. En Angleterre, on crut que le Roi en voulait à l'évêché de Münster, pour s'assurer, par sa possession, de la restitution