<229>rons que les raisons suivantes empêchèrent la perte des Prussiens : le défaut d'accord et le manque d'harmonie entre les puissances de la grande alliance; leurs intérêts différents, qui les empêchaient de convenir de certaines opérations; le peu d'union entre les généraux russes et autrichiens, qui les rendait circonspects lorsque l'occasion exigeait qu'ils agissent avec vigueur pour écraser la Prusse, comme ils l'auraient pu faire effectivement : en second lieu, la politique trop raffinée et quintessenciée de la cour de Vienne, dont les principes la conduisaient à charger ses alliés des entreprises les plus difficiles et les plus hasardées, pour conserver, à la fin de la guerre, son armée en meilleur état et plus complète que celle des autres puissances; d'où à différentes reprises il résulta que les généraux autrichiens, par une circonspection outrée, négligèrent de donner le coup de grâce aux Prussiens lorsque leurs affaires étaient aux abois et dans un état désespéré : en troisième lieu, la mort de l'impératrice de Russie, avec laquelle l'alliance de l'Autriche eut le même tombeau; la défection des Russes et l'alliance de Pierre III avec le roi de Prusse; et enfin les secours que cet empereur envoya en Silésie.

Si nous examinons, d'un autre côté, les causes des pertes que les Français firent dans cette guerre, nous observerons la faute qu'ils firent de se mêler des troubles de l'Allemagne. L'espèce de guerre qu'ils faisaient aux Anglais, était maritime; ils prirent le change, et négligèrent cet objet principal pour courir après un objet étranger, qui proprement ne les regardait point. Ils avaient eu jusqu'alors des avantages sur mer contre les Anglais; mais dès que leur attention fut distraite par la guerre de terre ferme, dès que les armées d'Allemagne absorbèrent tous les fonds qu'ils auraient dû employer à augmenter leurs flottes, leur marine vint à manquer des choses nécessaires, et les Anglais gagnèrent un ascendant qui les rendit vainqueurs dans les quatre parties du monde, où ils combattirent contre cette nation. D'ailleurs, les sommes excessives que Louis XV payait en subsides, et celles que coûtait l'entretien des armées d'Allemagne, sortaient du royaume, ce qui diminua de la moitié la quantité des espèces qui étaient en circulation tant à Paris que dans les provinces; et pour comble d'humiliation, les généraux dont la cour fit choix pour commander