<231>de Prusse par la cruauté et les ravages des Russes, six mille en Poméranie, quatre mille dans la Nouvelle-Marche, et trois mille dans l'électorat de Brandebourg.
Les troupes russes s'étaient trouvées à quatre grandes batailles; et ils comptaient que cette guerre leur avait emporté cent vingt mille hommes, y compris les recrues qui périrent, étant transportées en partie des frontières de la Perse et de la Chine pour joindre leurs corps en Allemagne. Les Autrichiens avaient livré dix batailles rangées; ils avaient perdu deux garnisons à Schweidnitz et une à Breslau, et ils évaluaient leur perte à cent quarante mille hommes. Les Français faisaient monter la leur à deux cent mille combattants, les Anglais avec leurs alliés, à cent soixante mille, les Suédois, à vingt-cinq mille, et les cercles, à vingt-huit mille.
La maison d'Autriche se trouvait, au sortir de cette guerre, avec cent millions d'écus de dettes; les frontières de la Bohême et de la Moravie avaient été écornées, sans cependant qu'il se fût conservé des traces de ruine ou de dévastations. En France, le gouvernement se trouvait sans crédit par le brigandage des financiers et les malversations de ceux qui étaient préposés à l'administration des dépenses; on en était venu à suspendre le dividende des capitaux empruntés; le peu d'intérêts qu'on acquittait, se payaient irrégulièrement; le peuple gémissait sous le poids des impôts qui l'accablaient; et quoique aucune incursion d'ennemis n'eût ravagé les provinces, l'État n'en souffrait pas moins, parce que le commerce des deux Indes étant détruit, faisait tarir les ressources de l'abondance publique. D'ailleurs, les dettes nationales étaient accumulées, et montaient à des sommes si énormes, qu'après la paix, les impôts extraordinaires furent prolongés pour dix ans, afin d'en payer les intérêts et de créer un fonds d'amortissement qui pût les acquitter. Les Anglais, victorieux sur terre et sur mer, avaient, pour ainsi dire, acheté leurs conquêtes par les sommes immenses empruntées pour la guerre, qui les rendaient presque insolvables. L'opulence des particuliers passait toute imagination. Cette richesse et ce luxe du peuple provenaient des prises considérables que tant de particuliers avaient faites tant sur la France que sur l'Espagne, et du prodigieux accroissement