<31>sont des ponts de pierre, derrière lesquels on établit de gros postes d'infanterie, et pour multiplier les difficultés, on chargea ces ponts de fagots, en y laissant un passage pour qu'un homme à cheval pût y passer pour aller à la découverte; d'ailleurs, ces fagots étaient mêlés de matières combustibles, pour qu'on pût les enflammer aussitôt que l'ennemi aurait paru, de sorte qu'il était impossible de les passer.

Les Autrichiens, enflés de leurs avantages, commençaient à se croire invincibles. M. de Maguire, qui commandait à Dippoldiswalda, vint avec seize mille hommes, bagage et tout ce qui suit une troupe qui, en temps de paix, change de garnison, pour s'établir à Freyberg; il crut que les Prussiens n'attendraient pas sa présence, mais qu'ils se retireraient d'abord. Sa supposition était fondée sur quelques ostentations que M. de Beck avait commission de faire du côté de Torgau; mais le Roi y avait pourvu : il avait déjà envoyé des troupes pour la défense de la ville. D'ailleurs, cette démonstration ne pouvait guère causer d'inquiétudes, parce que M. de Beck faisait des mouvements à la rive droite de l'Elbe, que Torgau est situé à la gauche, et par conséquent ne saurait être pris qu'en l'assiégeant de ce côté-là. M. de Maguire en fut pour sa marche; il trouva les Prussiens en bataille, qui bordaient la Mulde; il essuya quelques volées de canon, et il retourna à Dippoldiswalda, où il établit son quartier.

Quelque dure que fût la saison, les deux armées continuaient à camper; on s'était baraqué, on s'était accommodé le mieux qu'on avait pu, pour résister aux injures du temps, tant l'inflexibilité et l'opiniâtreté, pour ne point céder un pas, étaient grandes des deux parts. Les Prussiens avaient un poste à Zscheila, comme nous l'avons dit. Ce détachement avait été jusqu'alors en sûreté par un pont de communication qu'il avait sur l'Elbe; une gelée subite qui survint, obligea de le lever, et la rivière charriait des glaces sans être encore prise. M. de Beck saisit ce moment pour l'attaquer avec un corps nombreux. M. de Diericke fit repasser à Meissen sa cavalerie et la moitié de son infanterie; il n'eut pas le temps de sauver le reste. M. de Beck tomba sur lui avec toutes ses forces, et après un combat sanglant, ce brave général et trois bataillons furent faits prisonniers par les Autri-