<62>cavalerie, s'égara pendant l'obscurité, et se mêla dans la marche des autres colonnes. Ce ne fut qu'au point du jour qu'on put remettre les colonnes en ordre. Si l'ennemi avait entrepris sur les Prussiens dans ce moment de confusion, il aurait sans contredit réussi; mais il n'y pensa point. Les troupes repassèrent tranquillement la Katzbach, et l'armée en fut quitte pour une bonne canonnade qu'elle essuya en frisant les détachements que Loudon tenait à Kossendau et à Dohnau. Peu d'heures après que les Prussiens eurent tendu leurs tentes, on vit paraître le maréchal avec son armée, suivi des corps de Beck, de Janus et de Lacy; et il se plaça dans le même terrain qu'il avait occupé deux jours auparavant. Le Roi fut alors informé par des voies secrètes que M. de Czernichew, à la tête de vingt mille Russes, avait passé l'Oder à Auras, et que les Autrichiens n'attendaient que sa jonction pour écraser les Prussiens. Le maréchal Daun avait des troupes de reste, et ce n'était pas ce qui lui manquait, mais bien le talent de s'en servir avec promptitude, et à propos. La situation du Roi était telle alors, qu'il ne lui restait de pain et de biscuit que pour trois jours; il était chargé de deux mille voitures, tant pour les vivres que pour les munitions, qui causaient un embarras prodigieux pour les marches, et dont il tâcha de se défaire, pour donner plus d'agilité à ses mouvements. Il ne pouvait plus tenir auprès de Liegnitz, à cause que sa droite n'était pas assez bien appuyée à Schimmelwitz, et qu'il ne pouvait pas empêcher qu'on ne la tournât. Il fallait donc repasser la Katzbach à Liegnitz, envoyer le charriage inutile à Glogau, en tirer des vivres, marcher à Parchwitz pour pousser en deçà ou au delà de l'Oder, afin de gagner d'une façon ou de l'autre l'armée du prince Henri, à laquelle il fallait se joindre nécessairement, parce que ces deux corps, étant séparés, se trouvaient chacun trop faible pour s'opposer aux Autrichiens et aux Russes, et qu'on risquait à la longue, en les laissant ainsi, de les voir écraser tous les deux, et alors les affaires étaient perdues sans ressource.

Deux ennemis qui se font la guerre quelques années de suite, acquièrent une si parfaite intelligence de leur façon de penser, d'agir et d'entreprendre, qu'ils devinent mutuellement les desseins qu'ils peuvent former. Celui des Autrichiens était alors positi-