<68>ment pour passer l'Oder, afin de faire un traitement pareil aux Russes; qu'il comptait d'attaquer M. de Soltykoff; et qu'il priait le prince de faire alors de son côté les mouvements dont on était convenu. On chargea un paysan de cette lettre, et on lui promit de grosses récompenses pour que, le moment même, il partît, qu'il se laissât prendre par les postes avancés de M. de Czernichew, et qu'il lui remît cette lettre comme si la peur de quelque châtiment l'y portait.

Quoiqu'on ne pût deviner si ce paysan s'acquitterait bien de son rôle, ni quelle impression la lecture de cette lettre ferait sur l'esprit de M. Czernichew, l'armée du Roi partit le lendemain; elle se mit en marche sur trois colonnes, plutôt dans l'ordre d'une escorte de convoi que d'une marche ordinaire; le Roi menait la colonne de la droite, et couvrait la marche du côté des Autrichiens. M. de Krockow menait une forte avant-garde devant la seconde colonne; il était suivi par les prisonniers de guerre et les canons qu'on avait pris sur l'ennemi, et par les blessés de l'armée prussienne; le prince de Holstein conduisait la troisième colonne, composée de cavalerie légère, et soutenue de quelques bataillons, pour couvrir le convoi contre les Cosaques, qui, de Leubus, où ils se tenaient, pouvaient passer l'Oder à de certains gués, parce que les eaux étaient basses; enfin, M. de Zieten, avec toutes les troupes qui n'avaient point combattu, faisait l'arrière-garde de l'armée. Le Roi trouva bientôt M. de Nauendorf sur son chemin. Il s'était posté à Mötticht, d'où quelques volées de canon le délogèrent. Les hussards prussiens aperçurent en route une colonne de bagage des ennemis, faiblement escortée; ils donnèrent dessus, et firent un butin considérable. On apprit des prisonniers que ce bagage appartenait au corps du prince de Lowenstein et de M. de Beck, qui étaient en pleine marche pour Neumarkt, où ils devaient se joindre aux Russes; outre cela, on découvrait, environ à trois quarts de mille à la droite des troupes du Roi, toute l'armée du maréchal Daun, qui était en marche, sans qu'on pût distinguer si elle suivait la route de Neumarkt, de Canth, ou de Schweidnitz. C'était peut-être la situation la plus disgracieuse et la plus inquiétante de toute la campagne; l'armée n'avait plus que pour un jour de pain; que si les Russes empêchaient d'en