<82>Ce prince se tenait à Pratau, vis-à-vis de Wittenberg, avec la plus considérable partie de ses forces; il évacua cette forteresse aussitôt que la tête de l'armée du Roi approcha de la ville.

Les révolutions subites qui venaient d'arriver dans cette campagne, demandaient qu'on prît de nouvelles mesures et qu'on fît de nouvelles dispositions. Il ne restait pas un seul magasin dans toute la Saxe aux Prussiens. L'armée du Roi vivait au jour la journée; elle tirait quelque peu de farine de Spandow; ces provisions mêmes allaient s'épuiser; avec cela, l'ennemi occupait toute la Saxe. Le maréchal Daun allait arriver à Torgau, les cercles bordaient le cours de l'Elbe, et le duc de Würtemberg occupait les environs de Dessau. Pour se délivrer de tant d'ennemis, le Roi fit marcher M. de Hülsen et le prince de Würtemberg à Magdebourg, pour y passer l'Elbe et pour convoyer les bateaux chargés de farine qui devaient se rendre à Dessau, où le Roi résolut de passer l'Elbe avec la droite de son armée pour se joindre à M. de Hülsen. Le prince de Würtemberg rencontra dans la principauté de Halberstadt un détachement du duc son frère, qui fut entièrement détruit; le duc en prit une telle épouvante, qu'il se retira par Mersebourg et Leipzig à Naumbourg.

La droite de l'armée du Roi passa l'Elbe le 26, et se joignit à M. de Hülsen et au prince de Würtemberg proche de Dessau. Sur ce mouvement, le prince de Deux-Ponts abandonna les bords de l'Elbe, et se retira par Düben à Leipzig. Il avait laissé M. de Ried en arrière, dans une forêt entre Oranienbaum et Kemberg, où cet officier s'était placé avec peu de jugement, ayant garni les bois de ses hussards, et ayant posté ses pandours dans la plaine. L'avant-garde prussienne l'attaqua. Ses troupes, qui se trouvaient toutes éparpillées, furent battues en détail, et son corps fut presque détruit : de trois mille six cents hommes qu'il avait eus avant l'action, il n'en put rassembler que dix-sept cents à Pretzsch, jusqu'où on le poussa. Dès que l'armée du Roi eut atteint Kemberg, M. de Zieten, qui avec la gauche avait contenu l'ennemi à Wittenherg, passa l'Elbe, et se joignit au gros de l'armée.

Cependant le maréchal Daun venait de joindre M. de Lacy à Torgau. On apprit avec certitude que son avant-garde avait pris le chemin d'Eilenbourg; on ne pouvait se figurer autre chose si-