<84>pussent se joindre promptement aux Impériaux. Mais tout n'était pas fait, et les projets qui restaient à exécuter, étaient la partie la plus difficile de l'ouvrage.
Les Russes, qui se tenaient à Landsberg-sur-la-Warthe, s'étaient mis dans une position d'où ils pouvaient être les tranquilles spectateurs des événements qui se passeraient en Saxe. Cependant le Roi était informé que d'autres raisons les engageaient à ne pas trop s'éloigner, leur dessein étant, au cas que les Autrichiens eussent des avantages sur l'armée du Roi, ou que le maréchal Daun pût se soutenir à Torgau, de rentrer de nouveau dans l'électorat de Brandebourg, et d'établir leurs quartiers le long de l'Elbe conjointement avec les Autrichiens. Les suites de ce projet auraient été funestes et désespérantes pour les Prussiens. Par cette position, ils coupaient l'armée du Roi non seulement de la Silésie et de la Poméranie, mais encore de Berlin, cette mère nourricière qui fournissait uniformes, armes, bagage et tous les besoins aux troupes; qu'on ajoute à ces considérations qu'il ne restait de quartiers à prendre pour l'armée du Roi qu'au delà de la Mulde, entre la Pleisse, la Saale, l'Elster et l'Unstrut. Ce terrain trop resserré ne pouvait pas fournir à la subsistance de tant de troupes pendant l'hiver. D'où seraient venus les magasins pour le printemps? d'où les uniformes? d'où les recrues? Cette armée, ainsi pressée, et rejetée sur celle des alliés, l'aurait affamée, en s'affamant elle-même. Sans avoir de profondes connaissances militaires, tout homme sensé comprendra que, si le Roi s'en était tenu là pour cet automne, sans former de nouvelles entreprises, il aurait autant valu se livrer pieds et poings liés à la discrétion des ennemis. Ajoutez à tout ce que nous venons de dire, que les provisions dont on avait formé le dépôt de Düben, pouvaient à peine fournir pour quatre semaines à l'entretien des troupes; que, par le froid qui commençait à se faire sentir, les eaux de l'Elbe devaient se prendre incessamment; que par conséquent les bateaux ne pouvaient plus amener de vivres de Magdebourg : enfin on se serait vu réduit à la dernière misère si l'on n'avait pas pris alors de bonnes mesures pour écarter l'ennemi, et pour gagner un terrain convenable pour placer et pour faire subsister l'armée.