<93>il l'eût posté derrière le défilé de Neiden, il aurait été inexpugnable dans son camp; tant les moindres inadvertances dans ce métier difficile tirent à conséquence et deviennent importantes.
Dès que les Russes furent informés de la manière dont la fortune avait décidé du sort des Autrichiens et des Prussiens à Torgau, ils se retirèrent à Thorn, où ils repassèrent la Vistule. L'armée du Roi s'avança le 5 à Strehla, et le 6 à Meissen. Les Impériaux avaient laissé M. de Lacy de ce côté de l'Elbe, pour qu'il pût couvrir le fond de Plauen avant leur arrivée. Lacy voulut disputer le défilé de Zehren à l'avant-garde du Roi; mais dès qu'il s'aperçut que la cavalerie se mettait en mouvement pour le tourner par Lommatzsch, il s'enfuit à Meissen, où il repassa la Triebisch. Mais quelle que fût sa diligence, son arrière-garde y fut entamée et y perdit quatre cents hommes. On continua de le poursuivre, afin de tenter si, à la faveur du trouble et du désordre où était l'ennemi, on aurait pu pêle-mêle avec lui passer le fond de Plauen, et s'emparer de ce poste important. Mais quelque diligence que l'on fît, on y arriva deux heures trop tard; car en arrivant à Unckersdorf, on découvrit un autre corps des ennemis, qui avait déjà pris poste au Windberg, et dont la droite s'étendait au Trompeterschlösschen; c'était M. de Hadik. Lui et le prince de Deux-Ponts, en quittant Leipzig, étaient marchés à Zeitz, puis à Rosswein. Aussitôt qu'ils furent informés du désavantage que les Impériaux avaient eu à Torgau, ils s'avancèrent en grande diligence, pour couvrir Dresde avant que les Prussiens pussent y venir. Ce fut à Unckersdorf où se bornèrent les progrès du Roi et les suites de la bataille de Torgau.
Comme les blessures du maréchal Daun l'empêchaient de vaquer au commandement de son armée, il en remit le soin à M. O'Donnell. Ce général repassa l'Elbe à Dresde, d'où il envoya les régiments les plus délabrés en Bohême pour se refaire dans des quartiers tranquilles. Le prince de Würtemberg, qui n'était plus nécessaire en Saxe, retourna joindre en Poméranie MM. de Werner et de Belling, avec lesquels il eut bientôt nettoyé les États du Roi du reste des Suédois qui les infestaient encore; après quoi il tourna vers le Mecklenbourg, où il établit ses quartiers d'hiver.