<115>ainsi que ses opérations, des plus profondes ténèbres; ses émissaires, ses créatures sont les ressorts avec lesquels il meut cette machine politique selon sa volonté. Son système politique est celui des anciens torys, qui soutiennent que le bonheur de l'Angleterre demande que le Roi jouisse d'un pouvoir despotique, et que, bien loin de contracter des alliances avec les puissances du continent, la Grande-Bretagne doit se borner uniquement à étendre les avantages de son commerce. Paris est à ses yeux ce qu'était Carthage à ceux de Caton le censeur. Bute exterminerait en un jour tous les vaisseaux français, s'il en était le maître et s'il pouvait les rassembler. Impérieux et dur dans le gouvernement, peu soucieux sur le choix des moyens qu'il emploie, sa maladresse dans le maniement des affaires l'emporte encore sur son obstination. Ce ministre, pour remplir d'aussi grandes vues, commença par introduire la corruption dans la chambre basse. Un million de livres sterling que la nation paye annuellement au Roi pour l'entretien de sa liste civile, ne suffisait qu'à peine pour contenter la vénalité des membres du parlement. Cette somme, destinée pour l'entretien de la famille royale, de la cour et des ambassades, étant annuellement employée à dépouiller la nation de son énergie, il ne restait au roi George III, pour subsister et pour soutenir à Londres ce qui convient à la dignité royale, que cinq cent mille écus qu'il tirait de son électorat de Hanovre. La nation anglaise, avilie et dégradée par son souverain même, n'eut, depuis, plus d'autre volonté que la sienne; mais comme si ce n'en était pas assez de tant de prévarications, le lord Bute voulut frapper un coup plus hardi et plus décisif, pour établir plus promptement le despotisme auquel il visait : il porta le Roi à mettre arbitrairement des impôts sur les colonies américaines, autant pour augmenter ses revenus que pour donner un exemple qui, par la suite des temps, pût être imité dans la Grande-Bretagne; mais nous verrons que les suites qu'eut cet acte de despotisme, ne répondirent point à son attente.

Les Américains, qu'on n'avait pas daigné corrompre, s'opposèrent ouvertement à cet impôt si contraire à leurs droits, à leurs coutumes, et surtout aux libertés dont ils jouissaient depuis leur établissement. Un gouvernement sage se serait hâté d'apaiser ces