<125>de l'industrie nationale. Quelquefois même, et dans des moments d'humeur, il recevait avec des manières brusques et dédaigneuses les marques d'attention et de respect qu'on s'empressait de lui donner. Ces choses, quelque petites qu'elles fussent, n'échappèrent pas à la sagacité française. L'Empereur s'était annoncé par sa politesse à la cour : mais se contraignant moins dans les provinces, il parut plutôt envieux qu'ami de la nation chez laquelle il se trouvait, et perdit tout le crédit que sa gentillesse lui avait acquis.

D'autre part, ce voyage fit un effet tout différent sur Joseph. Il avait parcouru la Normandie, la Bretagne, la Provence, le Languedoc, la Bourgogne et la Franche-Comté, toutes provinces qui, autrefois gouvernées par des souverains, quoique vassaux, avaient été, par la suite des temps, insensiblement incorporées dans la monarchie française. Ces objets, qui le frappaient vivement, occasionnaient la comparaison, humiliante selon lui, qu'il faisait de cette masse réunie sous un chef, et du gouvernement germanique, dont à la vérité il était l'empereur, mais dans lequel il se trouvait des rois et des souverains assez puissants pour lui résister, même pour lui faire la guerre. S'il en avait eu les moyens, il aurait voulu réunir incessamment toutes les provinces de l'Empire à ses domaines, pour se rendre souverain de ce vaste corps, et élever, par ce moyen, sa puissance au-dessus de celle de tous les monarques de l'Europe. Ce projet l'occupait sans cesse, et il pensait que la maison d'Autriche ne devait jamais le perdre de vue.

C'était de ces principes ambitieux que partait l'ardeur avec laquelle il convoitait la Bavière; et quoique la mort de l'électeur de Bavière ne parût point devoir être un événement prochain, l'Empereur n'épargna ni corruption ni intrigues pour mettre l'Électeur palatin et ses ministres dans ses intérêts. Et qui croirait que ces choses aussi odieuses que révoltantes se traitaient avec si peu de secret et de retenue à Mannheim, que non seulement l'Allemagne, mais toute l'Europe en était informée? Le roi de Prusse, qui ne perdait jamais de vue la cour de Vienne, fut des premiers à découvrir ce mystère d'iniquité. Cette cour était trop dangereuse et trop puissante pour être négligée, d'autant