<128>et de l'assistance qu'elle en pouvait tirer, on la voyait épier le moment pour tomber comme un faucon sur sa proie, et se venger sur la Grande-Bretagne des maux qu'elle lui avait causés durant la guerre précédente; et, en général, on ne pouvait rien traiter d'important en Allemagne, ni dans le sud de l'Europe, sans se concerter ou s'entendre avec cette puissance.
L'Angleterre, comme nous l'avons dit, était sous le joug des torys, accablée de dettes, engagée dans une guerre ruineuse qui augmentait les dettes nationales de trente-six millions d'écus par an; pour frapper son bras droit de son bras gauche, elle épuisait toutes ses ressources, et s'acheminait à grands pas vers sa décadence. Ses ministres accumulaient les fautes : la principale consistait à porter en Amérique la guerre, dont il ne pouvait lui revenir aucun avantage; les autres fautes, à se brouiller aussi sans raison avec tout le monde; nous en exceptons les Français, perpétuels ennemis de l'Angleterre. Mais la cour de Londres était également mal avec l'Espagne, touchant les chicanes qui s'étaient élevées entre ces nations pour l'île de Falkland; et depuis la mort du dernier roi de Portugal, l'Angleterre avait entièrement perdu l'influence qu'elle avait dans ce royaume. Ses procédés hauts, durs et despotiques à l'égard du gouverneur de Saint-Eustache lui avaient aliéné et fait perdre l'amitié et la confiance des Provinces-Unies. Le roi d'Angleterre, comme électeur de Hanovre, avait indisposé la cour de Vienne, en lui refusant des passe-ports pour des chevaux de remonte, que l'on accorde toujours en pareils cas. Il avait indisposé l'impératrice de Russie, la traitant comme une petite puissance vénale dont il voulait acheter le secours. Depuis l'aventure de sa sœur la reine Mathilde, l'inimitié du Danemark était manifeste. Le roi de Prusse avait encore plus de griefs que les autres. Il pouvait reprocher au roi d'Angleterre l'indigne paix conclue avec la France, par laquelle il l'abandonna, la perfidie avec laquelle il voulut le sacrifier à la cour de Vienne, les indignes intrigues pour le brouiller avec l'empereur de Russie Pierre III, et enfin toutes les intrigues que l'Angleterre mit en jeu pour le déposséder du port de Danzig. L'Angleterre ne pouvait donc attribuer qu'à sa propre inconduite le délaissement et l'abandon général où elle se trouvait alors.