<139>L'électeur de Saxe s'adressa le premier au Roi, après s'être vainement adressé à la cour de Vienne, dont la hauteur arrogante ne daigna pas même l'honorer d'une réponse, parce qu'ayant presque entièrement dépouillé l'Électeur palatin, ce prince se trouvait hors d'état de satisfaire la Saxe sur ce qu'elle exigeait de la succession allodiale. La cour de Vienne, qui, d'autre part, agissait avec plus de précipitation que de prudence, avait négligé de s'assurer du prince de Deux-Ponts, légitime successeur de l'Électeur palatin, dont l'accession était absolument nécessaire pour rendre le traité de Munich valable. Elle avait, de plus, traité cette affaire avec si peu de secret et de ménagement, que toutes ses démarches étaient connues depuis dix ans qu'elle couvait ce projet. C'est ce qui engagea le Roi à envoyer le comte de Görtza incognito à Munich, où il arriva à point nommé pour arrêter le prince de Deux-Ponts au bord du précipice où il allait s'abîmer. Le comte de Görtz lui représenta qu'il ne gagnerait rien en ratifiant le traité de son oncle, au lieu qu'en protestant contre l'illégalité de cet acte, il conservait l'espérance de se faire restituer une partie du cercle de Bavière, que l'Électeur palatin avait si indignement abandonnée à l'Autriche. La force de la vérité se fit sentir à ce jeune prince, et sa protestation parut peu de temps après; il écrivit en même temps au Roi pour lui demander son appui et son assistance. Dès lors cette affaire commença à prendre une forme régulière. La cour de Berlin, chargée des intérêts de l'électeur de Saxe et du prince de Deux-Ponts, trouva des motifs suffisants pour entamer une négociation avec la cour de Vienne, touchant la succession de la Bavière. C'étaient des escarmouches politiques, qui donnaient le temps de s'instruire foncièrement du parti que la France prendrait, et de ce qu'on pensait à Pétersbourg. Sous prétexte d'une ignorance affectée, on demandait à la cour de Vienne des éclaircissements sur les droits qu'elle prétendait avoir sur la Bavière; l'on exposait ses doutes; on alléguait le droit public, et ce que les lois et les coutumes avaient d'opposé à ces
a Mémoire historique de la négociation en 1778, pour la succession de la Bavière, confiée par le roi de Prusse Frédéric le Grand au comte Eustache de Görtz. Francfort-sur-le-Main, 1812, p. 17 et suivantes.