<145>était craint des ecclésiastiques, plus attachés aux richesses qu'à la religion qu'ils professent, qui appréhendaient d'être dépouillés de leurs revenus considérables; et l'armée ne l'aimait point. Il s'était aliéné le cœur des officiers et des soldats par sa trop grande vivacité et ses emportements, qui le faisaient ressembler plutôt à une personne en délire qu'à un homme raisonnable. Tel était le prince auquel le Roi déclara la guerre.
Dès le 4 de mai, les armées, tant celle de Silésie que celle de Saxe, étaient formées; la négociation de Berlin se rompit le 4 juillet, et le 6, toutes les troupes se mirent en marche. Pour mieux cacher ses desseins, l'armée de la Silésie cantonnait, dans une espèce de coude, depuis Reichenbach, Frankenstein, jusqu'à Neisse. Par cette position, il était impossible que l'ennemi pût deviner si les forces du Roi se porteraient vers la Moravie, ou bien en Bohême. L'armée impériale avait un corps de trente mille hommes en Moravie, commandé par le prince de Teschen. Ce corps était retranché près de Heydepiltsch, sur les bords de la Mora, pour couvrir Olmütz. L'armée de l'Empereur était derrière l'Elbe, dans des fortifications inexpugnables, depuis Königingrätz jusqu'à la petite ville d'Arnau. Le corps du maréchal de Loudon, de quarante à cinquante mille hommes, garnissait les postes de Reichenberg, Gabel et Schluckenau, vers la Lusace; le gros de son monde était entre Leitmeritz, Lowositz, Dux et Teplitz.
Le projet de campagne que le Roi avait formé, était bien différent de celui qu'il lui fallut exécuter. Il se proposait de porter la guerre en Moravie; de laisser environ vingt mille hommes pour couvrir le comté de Glatz et les passages de Landeshut; de tourner le poste de Heydepiltsch, ce qui était faisable; d'engager une affaire avec les Autrichiens, et, si le succès en était heureux, d'envoyer un détachement de vingt mille hommes derrière la Morawa, droit à Presbourg, par où l'on gagnait le pont du Danube qui s'y trouve, l'on coupait l'armée impériale de tous les vivres qu'elle tirait de la Hongrie, et en faisant de là des incursions vers Vienne, on obligeait la cour, pour sa propre sûreté, d'attirer une partie de ses troupes à l'autre côté du Danube pour couvrir la capitale, de sorte que l'affaiblissement des armées de Bohême aurait donné