<15>aux intérêts de la Prusse, empêchait le Roi d'y donner les mains. Comment pouvait-on prétendre que le Roi prît des arrangements avec l'Angleterre, après toutes les perfidies qu'il en avait éprouvées? Et l'assistance de la Suède, du Danemark et de la Saxe était nulle, parce qu'on ne pouvait les faire agir qu'en leur payant de gros subsides; et de plus, étant unies avec la Russie, elles pouvaient trop partager l'influence que le Roi espérait de gagner dans ce pays-là. Il valait donc mieux les en éloigner à temps, d'autant plus qu'il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité.
Toutes ces raisons portèrent le Roi à décliner les propositions du sieur de Saldern. Ce ministre prit feu, se croyant le préteur Popilius, et prenant Sa Majesté pour Antiochus, roi de Syrie. Il voulait prescrire des lois à un souverain : le Roi, qui ne se croyait pas du tout Antiochus, congédia le ministre avec tout le sang-froid possible, en l'assurant qu'il serait toujours l'ami des Russes, mais jamais leur esclave. M. de Saldern, mécontent d'avoir trouvé un prince si peu soumis à ses commandements, se rendit de Berlin à Copenhague, où étalant tout à son aise son despotisme et ses prétentions illimitées, il subjugua tellement l'esprit du roi de Danemark, qu'il chassa les ministres et les généraux qui lui déplaisaient, et les remplaça par ses créatures; après quoi il conclut un traité éventuel d'échange du duché de Holstein-Gottorp, qui revenait au Danemark, pour les comtés d'Oldenbourg et de Delmenhorst, que les princes de Holstein recevaient à la place de ce qu'ils perdaient.
Sur la fin de cette année, on assembla encore une diète en Pologne. L'impératrice de Russie s'était déclarée la protectrice des dissidents, dont un nombre étaient grecs : elle demanda qu'on leur accordât le libre exercice de leur religion, et qu'ils pussent posséder des charges tout comme leurs compatriotes. Cette proposition jeta la semence de tous les troubles et des guerres qui s'ensuivirent. L'envoyé de Prusse présenta un mémoire à la diète pour lui insinuer que son maître ne saurait voir avec des yeux indifférents l'abolition du liberum veto, l'établissement des nouveaux impôts, et l'augmentation des troupes de la couronne; et la République eut égard à cette représentation. Elle n'eut pas la même complaisance pour les priviléges qu'on avait demandés en