<150>et Gabel, les dépostèrent et leur prirent quinze cents hommes et six canons. S. A. R. fit fortifier les environs de Gabel, dont la défense fut confiée aux Saxons, et s'avança avec le gros de l'armée à Niemes, où elle se posta dans un camp d'une forte assiette.

Ce coup, auquel les Impériaux n'étaient point préparés, dérangea tout le projet de leur défensive. Le maréchal Loudon abandonna avec précipitation les postes d'Aussig et de Dux, mais, ce qui doit surprendre davantage, ses fortifications de Leitmeritz, avec le magasin qui s'y trouvait. Le général de Platen profita avec célérité de cette faute : il prit Leitmeritz, s'avança vers Budin, sur l'Éger, et poussa son avant-garde jusqu'à Welwarn, qui n'est qu'à trois milles de Prague. L'alarme et la consternation se répandirent dans cette grande ville; la première noblesse, qui s'y était rassemblée, se sauva par la fuite, et cette capitale resta quelques jours comme déserte. Le maréchal Loudon, ayant, comme nous l'avons rapporté, abandonné toute la rive gauche de l'Elbe, ne se crut en sûreté qu'à Münchengrätz, auprès de Jung-Bunzlau; et comme les ennemis avaient tout à craindre pour l'armée de l'Empereur, sur laquelle le prince Henri aurait pu tomber, pour peu qu il l'eût voulu, le maréchal Loudon garnit de gros détachements tout le cours de l'Iser, qui coule, ou entre des rochers, ou entre des marais. Dans la Haute-Silésie, les Prussiens avaient surpris dans leur camp de Heydepiltsch deux régiments de dragons impériaux, et les avaient presque ruinés.

Ce fut dans ces circonstances, où la guerre était bien décidée, où les Prussiens avaient déjà quelques avantages, où, dans le royaume de Bohême, quatre grandes armées étaient en action les unes contre les autres, qu'arrive à Welsdorf un étranger qui, s'annonçant secrétaire du prince Galizin, ministre de Russie à Vienne, demande à parler au Roi. Ce soi-disant secrétaire était le sieur Thugut, ci-devant ministre de l'Empereur à Constantinople. Il était chargé d'une lettre de l'Impératrice-Reine pour le Roi. Nous nous contentons d'en rapporter la substance : l'Impératrice témoignait son chagrin des brouilleries et des troubles qui venaient de naître, l'appréhension qu'elle avait pour la personne de l'Empereur, le désir de trouver des tempéraments propres à concilier les esprits, en priant le Roi d'entrer en explication sur