<154>Hohenelbe. Ce fait bien constaté servit de matériaux au nouveau projet que le Roi forma en portant vivement l'armée de ce côté. Là on pouvait forcer le passage de l'Elbe, que deux bataillons ne pouvaient défendre. Cette entreprise exécutée, on pouvait se flatter d'avoir les succès les plus brillants, surtout si le prince Henri s'avançait de Niemes sur l'Iser. Les deux armées prussiennes se prêtant la main, elles se trouvaient sur le flanc et à dos de l'armée de l'Empereur, qui ne pouvait se soutenir que par un combat, ou qui, se trouvant forcé d'abandonner ses retranchements immenses, ne pouvait trouver de poste assuré que derrière les étangs de Gitschin, où même sa position était tournable, ce qui l'aurait réduit à se réfugier à Pardubitz, où il était couvert par les étangs de Bohdanetz et le courant de l'Elbe.
Ce projet, quelque beau qu'il fût, rencontrait de grandes difficultés dans l'exécution. La première était celle des chemins creux et des défilés qu'il fallait traverser pour arriver à l'Elbe, et l'affreux embarras de traîner par ces chemins une artillerie nombreuse; la seconde, de fournir l'armée de vivres : quand on aurait passé l'Elbe, on aurait mené le pain jusqu'à cinq milles au delà de cette rivière; le manque de chevaux aurait rendu un transport plus éloigné impossible; la quatrième, la difficulté de mettre le prince Henri en action, d'autant que sa santé était assez faible, et qu'il répugnait à toute entreprise qui demandait de la vigueur. Tous ces obstacles, qui se présentaient à l'esprit du Roi, lui firent résoudre d'aller au plus sûr, et de cacher encore soigneusement ce projet, qu'il n'abandonna pas cependant. Il ne voulut donc point quitter son camp de Welsdorf avant d'avoir fourragé radicalement toute la contrée qui s'étend de l'Elbe à ses frontières de Silésie, d'autant plus que les Autrichiens avaient forcé les habitants de s'enfuir avec tout leur bétail au delà de l'Elbe; et le Roi gagnait au moins par là qu'il était impossible que les Autrichiens tinssent, l'hiver, un corps de troupes considérable sur ses frontières, et inquiétassent ses troupes dans leurs quartiers.
Dès que tous les fourrages furent consommés, le Roi marcha avec l'armée, et prit le camp de Burkersdorf, proche de Soor, où il y avait trente-trois ans qu'il avait gagné une bataille sur les mêmes ennemis. Les Autrichiens ne firent pas sortir un homme