<156>Un temps aussi précieux, perdu par des soins inutiles, favorisa si bien les Autrichiens, qu'ils purent s'établir avec toute leur armée et leur canon sur les montagnes qui sont en delà de Hohenelbe, et dès lors il fallut renoncer au projet; car tout ce qu'il est permis de tenter contre un corps faible, devient téméraire si on le veut hasarder contre une armée nombreuse, principalement quand elle se trouve placée dans un poste presque inexpugnable. Pour forcer ces troupes, il fallait avoir les obusiers, seule artillerie dont on pût se servir contre des ennemis postés sur des montagnes; et ces obusiers n'y étaient point. Il fallait, de plus, passer l'Elbe sur des ponts, et défiler devant un grand front qui aurait écrasé les troupes avant qu'elles pussent se mettre en bataille. De plus, il fallait déloger le corps de Siskovics des coteaux du Riesengebirge, d'où il serait tombé sur le flanc des assaillants, si on ne lui avait précédemment donné la chasse. La montagne où il était, s'appelait Wachura, et cette expédition était un préalable. Il fallait aussi que le prince Henri coopérât à cette entreprise, en donnant quelque signe de vie à dos de l'armée impériale, vers l'Iser, qui en était peu distant; et ce prince ne voulut se déterminer à rien. Si tous ces empêchements n'étaient survenus, le projet était de chasser, comme je l'ai dit, M. de Siskovics de son poste; d'établir ensuite quarante-cinq gros obusiers derrière Hohenelbe, pour bombarder de là la partie des ennemis qui se trouvait vis-à-vis de notre droite; de passer l'Elbe à un gué qu'on avait découvert près d'un couvent de moines, et, après avoir délogé l'ennemi de cette position, de s'établir entre Branna et Starkenbach, sur le flanc des troupes qui campaient près de Neuschloss, où les ennemis devaient s'assembler promptement pour attaquer les Prussiens dans un bon poste, ce qui demandait du temps, ou ils étaient dans la nécessité d'abandonner tout le cours de l'Elbe à nos troupes victorieuses.

Toutes les raisons que nous venons d'alléguer ayant obligé de renoncer à ce plan hardi, il ne restait qu'à consumer par les fourrages tout ce pays dépourvu d'habitants, et à le réduire en une espèce de désert, pour assurer la tranquillité des quartiers d'hiver, qu'on ne pouvait prendre qu'en Silésie. On fourragea comme de coutume, toujours sur les bords de l'Elbe et sous le