<165>de ses troupes, et d'abandonner toutes les richesses de ces provinces à l'avide cupidité des généraux moscovites.
Ce projet fut rejeté par ignorance et par un désir plus vaste de s'enrichir. Le corps que les Russes devaient fournir selon le traité, consistait en seize mille combattants; l'on y mit un prix si énorme, qu'il ne pouvait jamais s'évaluer par les services qu'on en pouvait attendre. Il en aurait coûté par an au Roi trois millions cinq cent mille écus, et en outre un subside de cinq cent mille écus pour une guerre que la Russie ne faisait point aux Turcs. Et comme si ce n'en était pas assez de conditions aussi onéreuses qu'extravagantes, le prince Repnin insistait pour qu'on stipulât qu'au cas que la guerre des Turcs le rappelât avec son corps en Pologne, le Roi lui donnerait seize mille Prussiens pour le convoyer à son retour, afin que ce convoi l'empêchât d'être inquiété dans son chemin par les troupes autrichiennes rassemblées dans la Lodomirie; et pour comble de ridicule, il ajouta que les Prussiens pourvoiraient eux-mêmes à leur subsistance, en achetant partout leurs besoins argent comptant. De telles conditions désignaient clairement que l'Impératrice n'avait pas l'intention sincère d'assister la Prusse; elles étouffèrent les sentiments de reconnaissance qu'on aurait dû avoir pour ses secours. Aussi ne fallait-il attribuer ces démonstrations d'amitié qu'au désir de Catherine de s'immiscer, sous ce prétexte, dans les affaires d'Allemagne pour étendre son influence sur celles de l'Europe. La vanité du désir de la gloire la faisait agir, et non pas l'intérêt de ses alliés, ni les obligations qu'elle avait contractées par ses alliances.
Le prix excessif que les Russes mettaient à leurs troupes auxiliaires, partait en grande partie de l'intention qu'ils avaient de se servir de ce moyen pour dégoûter le Roi de la guerre. Les lettres de Pétersbourg contenaient toutes de grandes exhortations à la paix. Parmi tant de choses désagréables, la plus dangereuse et la plus fâcheuse pour la Prusse était la malhabileté et le peu de lumières des ministres de la Russie. Le comte Panin n'était pas stylé du tout aux tours insidieux des négociations autrichiennes. Sans cesse il fallait l'avertir des piéges qu'on lui tendait, et si on ne l'eût surveillé attentivement, le prince Kaunitz l'eût ballotté selon son plaisir. D'une part, la faiblesse du ministère de Ver-