<17>se dédommageait de l'impuissance d'agir dans laquelle il était, en chicanant les Russes dans toutes les occasions : ainsi, pour refuser à l'Impératrice le titre de Majesté Impériale, il eut recours à l'Académie française, qui fut obligée de décider que cette phrase n'était pas française. Ce sont là de petites vengeances, indignes de grands cœurs; aussi ne rapporterais-je point ces misères, si elles ne peignaient le caractère des hommes.
Dès l'année 1765, l'empereur François Ier était décédé à Inspruck. Son fils Joseph, qui avait été couronné roi des Romains, lui succéda sans obstacle. Ce jeune prince fit une tournée en Bohême et en Saxe, pour examiner ces terrains qui avaient servi de théâtre à la dernière guerre. Comme il devait passer par Torgau, le Roi lui fit proposer une entrevue, à laquelle l'Impératrice sa mère et le prince Kaunitz s'opposèrent. L'Empereur ressentit quelque chagrin de ce refus, et il fit insinuer au roi de Prusse qu'il trouverait bien moyen de réparer la grossièreté que ses pédagogues lui faisaient commettre.
Cependant le mécontentement des Polonais devenait presque général : toute la nation jetait les hauts cris; à les en croire, c'était la religion catholique que les Russes voulaient détruire, et tout prince né dans le sein de l'Église apostolique et romaine était obligé en conscience de les assister. Ces clameurs, souvent répétées, commençaient à faire impression sur la cour de Vienne, mais plus encore le despotisme que l'impératrice de Russie s'arrogeait d'exercer sur les Polonais; l'orgueil de l'impératrice Thérèse se cabrait contre l'orgueil de l'impératrice de Russie. L'humeur qu'avait prise la souveraine, occasionna quelques mouvements de troupes dans les provinces autrichiennes; on commençait à prendre des arrangements militaires, non pas tels qu'ils sont nécessaires pour entrer incessamment en campagne, mais de la nature de ceux qui servent à l'acheminement d'un grand dessein qu'on médite. Le bruit de cet armement, qui se répandit promptement partout, causa quelques alarmes à la cour de Pétersbourg; et les inquiétudes où se trouvait l'impératrice de Russie, donnèrent lieu à une convention secrète entre cette puissance et la Prusse, qui fut promptement conclue. Elle portait en substance que l'Impératrice ferait entrer un corps de troupes en