<36>de contenter tout le monde. La Russie pouvait s'indemniser de ce que lui avait coûté la guerre avec les Turcs, et au lieu de la Valachie et de la Moldavie, qu'elle ne pouvait posséder qu'après avoir remporté autant de victoires sur les Autrichiens que sur les Musulmans, elle n'avait qu'à choisir une province de la Pologne à sa bienséance, sans avoir de nouveaux risques à courir; on pouvait assigner à l'Impératrice-Reine une province limitrophe de la Hongrie, et au Roi ce morceau de la Prusse polonaise qui sépare ses États de la Prusse royale; et par ce nivellement politique, la balance des pouvoirs entre ces trois puissances demeurait à peu près la même. Néanmoins, pour s'assurer davantage de l'intention de la Russie, le comte de Solms fut chargé d'examiner si ces paroles échappées à l'Impératrice avaient quelque solidité, ou si elles avaient été proférées dans un moment d'humeur et d'emportement passager. Le comte de Solms trouva les sentiments partagés sur ce sujet. Le comte Panin, qui avait fait déclarer, au commencement des troubles de la Pologne, que la Russie maintiendrait l'indivisibilité de ce royaume, sentait de la répugnance pour ce démembrement; il promit néanmoins de ne s'y point opposer, si l'affaire passait au conseil. Mais l'Impératrice était flattée de l'idée qu'elle pourrait sans danger étendre les limites de son empire; ses favoris et quelques ministres qui s'en aperçurent, se rangèrent de son sentiment, de sorte que le projet de partage passa à la pluralité des voix. On annonça au roi de Prusse la résolution qui venait d'être prise, comme un expédient qu'on avait imaginé pour le dédommager des subsides qu'il avait payés à la Russie.

Le comte Panin, en communiquant au comte de Solms les choses que nous venons de rapporter, exigea comme un préalable que le Roi sondât les sentiments de la cour de Vienne au sujet de ce partage. Sur cela, le Roi en fit l'ouverture au baron van Swieten, en l'assurant que la Russie ne témoignait aucun mécontentement de ce que les Autrichiens avaient pris possession de Zips, et que Sa Majesté, pour donner des preuves de son amitié à Leurs Majestés Impériales, leur conseillait de s'étendre dans cette partie de la Pologne selon leur bienséance, ce qu'elles pourraient faire avec d'autant moins de risque, que leur exemple serait imité par