<40>Sa Majesté ne balança point : elle se détermina à remplir fidèlement ses engagements avec la Russie, et pour adoucir en même temps la cour de Vienne, elle la flatta de l'espérance qu'il ne serait pas impossible de fléchir l'impératrice de Russie, et de faire changer les vues qu'elle avait sur la Valachie et sur la Moldavie; mais en ajoutant que si c'en venait à une rupture entre les deux Impératrices, Sa Majesté ne pouvait se dispenser d'assister celle de Russie, avec laquelle elle était en alliance. Pour donner plus de poids à cette déclaration, l'on augmenta et remonta toute la cavalerie; les ordres donnés pour cet effet s'ébruitèrent promptement et partout. Ces mesures vigoureuses, prises si à propos, firent impression sur la cour de Pétersbourg; on profita de son contentement pour l'engager à sacrifier une partie de ses prétentions sur la Valachie au bien commun de la paix.

Il était difficile de traiter avec les Russes, parce qu'ils n'entendent rien à l'art de la négociation. Ils ne pensent qu'à leurs intérêts, et ne tiennent aucun compte de celui des autres, comme on le va voir. Le contre-projet du traité de partage de la cour de Pétersbourg arriva alors à Berlin; il était singulièrement conçu : tout l'avantage en était pour la Russie, tous les risques pour la Prusse. On accordait, à la vérité, la plus grande partie du terrain de la Pologne que le Roi avait demandé; mais l'acquisition des Russes était au moins d'une étendue double de celle-là. On avait inséré surtout dans ce traité un article très-onéreux pour Sa Majesté : on demandait que la Prusse assistât de toutes ses forces la Russie, au cas qu'elle fût attaquée par les Autrichiens; mais supposé que l'Impératrice-Reine déclarât la guerre au roi de Prusse, ce prince n'avait aucun secours à attendre de la Russie, avant que la paix avec les Turcs fût conclue. Des conditions aussi peu proportionnées n'étant pas acceptables, elles donnèrent lieu à quelques explications; on fit un résumé de tous les engagements de la Prusse avec la Russie. Il résultait de ce recensement que tout était en faveur de l'Impératrice, et rien en faveur du Roi; toutefois on ajouta que Sa Majesté avait résolu de satisfaire à tout ce qu'on pouvait prétendre d'elle raisonnablement. Le Roi se reposait sur l'équité comme sur la modération de l'impératrice de Russie, qui voudrait bien sacrifier quelques parties