<56>la liaison intime dans laquelle il avait été avec cette princesse, il fut pourtant réintégré dans tous les honneurs dont il avait joui précédemment. La première sensation qu'il eut à son retour, fut un désir immodéré de se venger de ses ennemis. Le comte Panin, qu'il jugeait le plus coupable, fut aussi l'homme de la cour contre lequel il s'arma de tout son ressentiment. Ce premier ministre se vit tout à coup abandonné de ses amis. Sa maîtresse le négligeait. M. de Saldern, dont nous avons parlé, qui était sa créature, et qui n'avait pu l'engager dans un projet de révolution qu'il avait médité, se jeta dans le parti du comte Orloff. Ces deux hommes, réunis par un même intérêt, travaillèrent de concert pour noircir dans l'esprit de l'Impératrice son premier ministre, qui l'avait toujours servie avec intégrité. Il y eut quelques jours qu'on crut à la cour que le comte Panin était perdu sans ressource. Heureusement, il se soutint, car sa chute aurait été fatale à toutes les puissances qui tenaient par système à la Russie. Néanmoins cette secousse retarda l'exécution de bien des choses importantes : on oublia le port de Danzig jusqu'à l'année 1774. L'attention de la cour de Russie étant absorbée par une multitude d'affaires, elle négligea cette bagatelle, et le comte Golowkin, qu'elle avait envoyé à Danzig pour la régler, y demeura dans une entière inaction.
Les troubles intestins de la cour de Pétersbourg, et les différents partis qui travaillaient à perdre leurs antagonistes, influaient dans les affaires, et occasionnaient de nouvelles contestations, tantôt pour le port de Danzig, tantôt sur les péages,a enfin sur les limites des nouvelles acquisitions. On poussa la mauvaise humeur jusqu'à chicaner le Roi sur une banlieue située au delà de la Netze, qu'il avait insérée dans sa démarcation; on lui fit d'autres difficultés sur le territoire de Thorn, qu'on prétendait qu'il avait trop rétréci, quoiqu'on l'eût réglé sur les cartes géographiques les plus exactes qu'on avait pu se procurer. Les Russes firent des querelles semblables aux Autrichiens sur un terrain qu'ils s'étaient approprié au delà du San, et qui était assez considérable. Le Roi promit d'avoir la complaisance pour l'impératrice de Russie de s'accommoder à quelques égards à ses désirs,
a Voyez Preuves et défense des droits du Roi sur le port et péage de la Vistule. A Berlin, imprimé chez G.-J. Decker, imprimeur du Roi, 1773, in-4.