<57>à condition toutefois que les Autrichiens en fissent de même; mais la cour de Vienne, affichant la hauteur, et étalant toute sa dignité, déclara qu'elle n'était pas intentionnée à céder un pouce de ses possessions. Cette déclaration fière et déterminée des Autrichiens produisit que les Russes gardèrent le silence, et qu'alors les choses restèrent sur le pied où elles étaient, Toutes ces petites tracasseries tenaient leur origine de la haine que le comte Orloff, devenu prince, avait contre le comte Panin : il l'accusait d'avoir réglé trop avantageusement les partages des alliés de la Russie; et le ministre, qui voyait son crédit chanceler, n'avait pas le courage de soutenir avec fermeté les points dont il était convenu dans la convention signée par l'impératrice de Russie et le roi de Prusse. En ces temps, les noces du grand-duc se célébrèrent à Pétersbourg; le comte Panin, qui avait été son gouverneur, le quitta alors; et non seulement l'Impératrice le récompensa généreusement, mais, détrompée des calomnies dont on avait voulu le noircir, elle lui rendit sa confiance.
Ce ne fut qu'à force de menées et d'intrigues que le Roi parvint à fixer le choix que l'Impératrice fit d'une belle-fille, sur la princesse de Darmstadt, propre sœur de la princesse de Prusse : pour avoir du crédit en Russie, il fallait y placer des personnes qui tinssent à la Prusse. On devait espérer que le prince de Prusse, lorsqu'il parviendrait au trône, en pourrait tirer de grands avantages. M. d'Assebourg,b sujet du Roi, et qui avait passé au service de l'Impératrice, fut chargé de parcourir toutes les cours d'Allemagne où il y avait des princesses nubiles, et d'en faire son rapport. Le Roi réveilla son zèle patriotique en lui marquant que la princesse de Darmstadt était celle pour laquelle il s'intéressait le plus. L'envoyé servit si bien Sa Majesté, que cette princesse fut désignée pour épouser le grand-duc. Ces sortes de mesures prises pour l'avenir peuvent tromper; cependant il ne faut pas les négliger.
b Achatz-Ferdinand d'Assebourg, né à Meissdorf, dans la principauté de Halberstadt, entra au service de Hesse-Cassel en 1744, et à celui de Danemark en 1753. En 1771, il passa au service de Russie en qualité de conseiller intime, poste qu'il occupa jusqu'à sa mort, arrivée en 1797. Voyez Denkwürdigkeiten des Freiherrn von der Asseburg, p. 255 et 256.