<61>n'avaient pas résolu que les choses tournassent ainsi : le grand vizir demeura tranquillement dans son camp, et le maréchal Romanzoff, ayant été averti qu'un corps de Turcs s'était posté sur ses derrières, envoya le général Weissmann, à la tète d'un détachement, pour déloger les troupes ennemies de leur embuscade. Ce brave général Weissmann, après des efforts de valeur incroyables, réussit, mais en y perdant la vie. Cet important avantage donna à l'armée russe la facilité de regagner le Danube. Il n'y avait pas assez de barques pour transporter ces troupes tout à la fois; il fallut y employer trois jours, sans qu'il vînt en pensée aux Turcs d'attaquer les sections de l'armée qui attendaient le retour de leurs bateaux, ou d'apporter le moindre obstacle à leur passage.
L'impératrice de Russie fut très-mécontente de cette expédition; il fallut tirer des troupes de l'Ingrie, de l'Esthonie et de la Pologne, pour renforcer l'armée de la Valachie; cependant on ne se découragea point. On forma de nouveaux projets, et l'on résolut à Pétersbourg de les exécuter sur la fin de l'automne de la même année. Il faut savoir que chez les Turcs c'est l'usage que les troupes asiatiques retournent chez elles au commencement de l'arrière-saison. Les Russes, qui en étaient instruits, voulurent profiter de l'affaiblissement où serait l'armée du grand vizir après le départ d'une aussi grande multitude de combattants : par ordre de l'Impératrice, M. de Romanzoff envoya différents détachements de ses troupes au delà du Danube, et le maréchal, avec le gros de l'armée, consistant en vingt mille hommes à peu près, couvrit, derrière les fleuves, les provinces conquises de la Valachie et de la Moldavie. Il détacha le général Ungern, le prince Dolgoruki et le général Soltykoff, chacun à la tête de trois mille hommes. Ungern et Dolgoruki donnèrent sur une troupe de Turcs, qu'ils mirent en fuite; ils prirent le sérasquier qui les commandait, et quelques canons. Leur ordre portait de marcher de là sur Varna pour s'emparer de ce poste important et du port par lequel les troupes du vizir tiraient leurs magasins sur la mer Noire. Le malheur voulut que ces deux généraux se brouillèrent : Ungern s'avança seul vers Varna; il trouva la ville bien fortifiée, entourée d'un fossé profond rempli d'eau; une forte garnison la