<63>Russes de la mauvaise volonté à une révolte ouverte. Ajoutez à ces considérations que les succès des armes qui avaient, pour ainsi dire, ébloui les yeux de l'Europe au commencement de cette guerre, avaient beaucoup perdu de leur éclat dans le cours de cette dernière campagne. Comme la cour avait une envie sincère de rétablir la paix, le comte Panin requit le comte de Solns de mander au sieur de Zegelin, ministre du Roi à la Porte, qu'on le priait de faire en son propre nom les propositions suivantes au cadilesker qui gérait les emplois du grand vizir pendant son absence : 1o Que la Porte se désistât de la possession de Kertsch et de Jenikale. 2o Que la Crimée fût gouvernée par son kan, sans que la Russie ni les Turcs s'en mêlassent. 3o Que la libre navigation de la mer Noire se bornât aux vaisseaux marchands, dont aucun ne pourrait avoir plus de quatre à cinq canons, et qu'on interdît aux vaisseaux russes armés en guerre l'entrée de tous les ports qui sont sous la domination du Grand Seigneur. 4o Qu'Oczakow, au lieu de Kinburn, demeurât aux Russes, pour qu'ils eussent au moins une place forte avec un port sur la mer Noire. 5o Qu'en considération de cet accord, les Russes rendissent aux Turcs Bender et tout le reste des conquêtes qu'ils avaient faites sur eux.

Pour ménager la délicatesse de l'impératrice Catherine, qui répugnait à faire la première des propositions de paix à ses ennemis, le Roi se chargea d'autant plus volontiers de les faire passer à Constantinople, qu'il était intéressé lui-même à mettre fin à cette guerre, qui pouvait produire par sa continuation des événements aussi désagréables que fâcheux. Cette nouvelle tentative de pacification ne réussit pas mieux que les précédentes. Ces deux puissances étaient trop hautes et trop fières pour qu'on pût les accommoder.

Sur ces entrefaites mourut à Constantinople Mustapha, qui avait régné durant le cours de cette guerre. Son frère occupa le trône après lui.a Ce prince ne connaissait que la prison du sérail, dans laquelle il avait été élevé; ignorant, d'un esprit aussi borné que faible, il remit les soins du gouvernement entre les mains de sa sœur et de son grand vizir, et l'on ne s'aperçut


a Abdul-Hamid succéda à son frère Mustapha III le 21 janvier 1774.