<84>destinés uniquement aux besoins de la capitale. D'aussi sages arrangements préservèrent le peuple de la disette dont il était menacé : l'armée fut nourrie des magasins; le peuple en reçut également, outre les grains donnés à part pour fournir aux semailles. La récolte manqua encore l'année d'après; mais si le boisseau de seigle se vendait dans les États du Roi à deux écus et quelques gros, chez les voisins la misère était encore plus grande. En Saxe et en Bohême, le boisseau se vendait à cinq écus. La Saxe perdit plus de cent mille habitants que la famine détruisit, ou qui s'expatrièrent. La Bohême y perdit cent quatre-vingt mille âmes au moins; plus de vingt mille paysans bohémiens, et autant de Saxons, cherchèrent un asile contre la misère dans les États du Roi; ils furent reçus à bras ouverts, et furent employés à peupler les nouveaux établissements qu'on avait formés.
Les malheurs dont se ressentaient les sujets des autres puissances, venaient de ce que dans aucun pays, excepté ceux de la Prusse, il n'y avait des magasins d'établis. Cependant ces calamités, auxquelles on avait pourvu, et que l'on pouvait détourner par les précautions que la prudence avait suggérées, ces calamités, dis-je, n'empêchèrent pas le gouvernement de continuer avec la même activité les améliorations du pays dont il avait arrêté le projet. L'expérience démontrait que la mortalité des bestiaux était plus fréquente dans le Brandebourg que dans la Silésie. En en recherchant les causes, on en trouva deux, savoir : que dans les Marches et les autres provinces on ne se servait pas comme en Silésie de ce sel pétrifié qu'on tire des salines de Wieliczka; et que les habitants des Marches et de la Poméranie ne nourrissaient pas leurs bestiaux dans les étables, mais les menaient paître dans des temps où quelquefois la nielle avait envenimé les herbes. Depuis qu'on eut introduit cette nouvelle façon de nourrir les bestiaux, leurs fréquentes mortalités diminuèrent visiblement, et les possesseurs des terres eurent moins de malheurs à réparer qu'autrefois.
Par l'attention qu'on mettait à savoir tous les produits étrangers qui entraient dans le pays, on trouva, en dépouillant les registres de la douane, qu'il entrait pour deux cent quatre-vingt