<117>d'avec celles d'une ambition démesurée, et qu'il les fera réfléchir sur tant de passions funestes qui ont entraîné les malheurs des plus vastes États; il leur prouvera par cent exemples que les bonnes mœurs ont été les vraies gardiennes des empires, ainsi que leur corruption, l'introduction du luxe et l'amour démesuré des richesses ont été de tout temps les précurseurs de leur chute. Si M. le professeur suit le plan que je propose, il ne se bornera pas à entasser des faits dans la mémoire de ses écoliers; mais il travaillera à former leur jugement, à rectifier leur façon de penser, et surtout à leur inspirer de l'amour pour la vertu; ce qui, selon moi, est préférable à toutes les connaissances indigestes dont on farcit la tête des jeunes gens.

Il résulte, en général, de tout ce que je viens de vous exposer, que l'on devrait s'appliquer avec zèle et empressement à traduire dans notre langue tous les auteurs classiques des langues anciennes et modernes; ce qui nous procurerait le double avantage de former notre idiome et de rendre les connaissances plus universelles. En naturalisant tous les bons auteurs, ils nous apporteraient des idées neuves, et nous enrichiraient de leur diction, de leurs grâces et de leurs agréments. Et combien de connaissances le public n'y gagnera-t-il pas! De vingt-six millions d'habitants qu'on donne à l'Allemagne, je ne crois pas que cent mille d'entre eux sachent bien le latin, surtout si vous décomptez ce fatras de prêtres ou de moines qui savent à peine autant de latin qu'il en faut pour entendre tant bien que mal la syntaxe. Or, voilà donc vingt-cinq millions neuf cent mille âmes exclues de toutes connaissances, parce qu'elles ne sauraient les acquérir dans la langue vulgaire. Quel changement plus avantageux pourrait donc nous arriver que celui de rendre ces lumières plus communes en les répandant partout? Le gentilhomme qui passe sa vie à la campagne, ferait un choix de lectures qui lui seraient convenables, il s'instruirait en s'amusant; le gros bourgeois en deviendrait moins rustre; les gens désœuvrés y trouveraient une ressource contre l'ennui; le goût des belles-lettres deviendrait général, et il répandrait sur la société l'aménité, la douceur, les grâces, et des ressources inépuisables pour la conversation. De ce frottement des esprits résulterait ce tact fin, le bon goût qui, par un discerne-