<126>développé les conséquences des principes. Il a eu la prudence de ne jamais donner dans l'esprit systématique comme les autres. Des Cartes et Malebranche, nés avec une imagination vive et forte, adoptaient quelquefois les fictions spécieuses de leur esprit comme autant de vérités : l'un créa un monde qui n'était point le nôtre; l'autre, s'égarant par trop de subtilités, confondait les créatures avec le Créateur, et faisait de l'homme un automate mû par la volonté suprême. Leibniz donna dans des écarts semblables, à moins qu'on ne veuille supposer qu'il inventa son système des monades et de l'harmonie préétablie en se jouant, et pour donner une matière à discuter et à débattre aux métaphysiciens. M. Bayle, avec un esprit aussi juste que sévère, a examiné tous les rêves des anciens et des modernes, et, comme le Bellérophon de la Fable, il a détruit la Chimère née du cerveau des philosophes. Il n'oubliait jamais ce sage précepte qu'Aristote inculquait à ses disciples : Le doute est le commencement de la sagesse. Il ne disait point, Je veux prouver telle chose, qu'elle soit vraie ou fausse; on le voit toujours suivre docilement le chemin où le guident l'analyse et la synthèse.
Ce Dictionnaire, ce monument précieux de notre siècle, s'est trouvé jusqu'à présent enseveli dans les grandes bibliothèques; son prix en avait interdit la possession aux gens de lettres et aux amateurs mal partagés des dons de la fortune : nous tirons cette médaille de son sanctuaire, pour en faire une monnaie courante. Un anonyme qui a publié, il y a quelques années, l'Esprit de Bayle, paraît avoir eu en vue le dessein que nous exécutons aujourd'hui, avec la différence qu'il n'a pas réuni tous les articles philosophiques, et qu'il en a fait entier quelques-uns d'historiques dans sa compilation. Dans le choix qu'on présente au public, on a exclu toutes les matières d'histoire, parce que M. Bayle s'est trompé sur quelques anecdotes et sur quelques faits, en les rapportant sur la foi de mauvais garants, et parce que ce n'est assurément pas dans les dictionnaires que l'on doit étudier l'histoire.
Le but principal qu'on se propose en publiant cet Extrait, c'est de rendre la dialectique admirable de M. Bayle plus commune. C'est le bréviaire du bon sens, c'est la lecture la plus utile que les