<139>ment coup : elles furent plus redoutables aux Empereurs qu'aux rois de France; la couronne était censée indépendante dans les Gaules, et les Français ne reconnaissaient le pouvoir des évêques de Rome que pour le spirituel.
Cependant, tout puissants qu'étaient les papes, cela n'empêchait pas que chaque excommunication d'un empereur n'attirât une guerre civile en Italie. Souvent le trône des pontifes en était ébranlé; quelques-uns, chassés de leur métropole, et fugitifs en d'autres provinces, se procuraient des asiles chez quelque souverain ennemi de leur persécuteur. Il est vrai qu'on les voyait retourner triomphants à Rome, non par la force, mais par adresse; tant leur politique était supérieure à celle des souverains. Toutefois, pour ne point s'exposer à ce flux et reflux de fortune, ils imaginèrent des ressorts qui, une fois montés, devaient, en assurant leur règne, augmenter leur despotisme. Le lecteur prévoit sans doute que nous avons en vue le projet des croisades. Pour assembler des fanatiques, on publiait des indulgences; ce qui était promettre l'impunité de tous les crimes à ceux qui se dévoueraient au service de l'Église et du saint-père. Pour se battre en Palestine, où l'on n'avait rien à prétendre, pour conquérir la terre sainte, qui ne valait pas les frais de l'expédition, des princes, des rois, des empereurs, suivis d'une multitude de peuple innombrable de toutes les parties de l'Europe, abandonnant leur terre natale, allaient s'exposer, dans des contrées éloignées, à des infortunes inévitables. A la suite de desseins aussi mal concertés, les papes, en riant de pitié du fol aveuglement des hommes, s'applaudissaient de leur succès. Durant cet exil volontaire de tant de souverains, Rome ne rencontra aucune opposition à ses volontés, et tant que cette frénésie dura, les papes gouvernèrent l'Europe despotiquement. Lorsqu'on s'apercevait à Rome que les nations se décourageaient par le mauvais succès des croisades, on avait grande attention de les ranimer par l'espérance que leur donnait quelque imposteur tonsuré d'une meilleure fortune. Saint Bernard fut l'instrument dont le saint-siége se servit en différentes occasions : son éloquence était propre à nourrir le poison de ce mal épidémique; il envoyait des victimes en Palestine, mais il était trop prudent pour y aller lui-même. Que résulta-t-il de