<41>Notre prince, plus éclairé, savait que lui-même, ainsi que tous les hommes, n'avait reçu en naissant que la capacité de s'instruire, qu'il fallait qu'il apprît ce qu'il ignorait, et remplît sa mémoire, ce magasin précieux, des connaissances dont il pourrait faire usage dans le cours de sa vie. Il était persuadé que les lumières acquises par l'étude rendent l'expérience prématurée, et qu'une théorie bien digérée conduit à une pratique facile. Voulez-vous savoir quel vaste champ de connaissances il avait embrassé? Depuis l'histoire ancienne jusqu'à la moderne, il avait tout lu; il s'était surtout appliqué à s'imprimer dans la mémoire les caractères des grands hommes, les événements principaux et frappants, et ce qui a le plus contribué à l'élévation ou bien à la décadence des empires; ce choix exquis et précieux, il se l'était rendu familier.

Point d'ouvrage militaire qui jouit de quelque réputation, qu'il n'ait étudié, et sur lequel il n'ait consulté le sentiment des personnes expérimentées. Voulez-vous des témoignages encore moins équivoques de l'ardeur qu'il témoignait de s'instruire à fond des choses? Apprenez donc, messieurs, qu'ayant parcouru les systèmes différents de fortification, et ne se sentant pas aussi avancé dans cette partie qu'il l'aurait désiré, durant six mois il prit des leçons du colonel Ricaud, sans y avoir été incité par personne, et à l'insu de ses parents mêmes. O jeune homme! quel exemple que le vôtre pour la jeunesse lâche et inappliquée qu'il faut contraindre à s'instruire! et que ne devait-on pas se promettre de vos heureuses dispositions! Voulez-vous des marques frappantes de la solidité de son esprit? Publions hardiment la vérité; osons dire devant cet auditoire illustre ce qui doit être au moins connu d'une partie de ceux qui le composent. Agé de dix-huit ans, le prince savait rendre compte des systèmes de Des Cartes, de Leibniz, de Malebranche et de Locke; non seulement sa mémoire avait retenu toutes ces matières abstraites, mais son jugement les avait toutes épurées. Il était étonné de trouver dans les recherches de ces grands hommes moins de vérités que de suppositions ingénieuses; et il était parvenu à penser, comme Aristote, que le doute est le commencement de la sagesse.

Un jugement droit, qui le conduisait dans toutes ses dé-