<64>déguisé dans son histoire les vices de tant de pontifes qui ont déshonoré l'Église; de ce qu'il avait dit avec Fra-Paolo, avec Fleury et tant d'autres, que souvent les passions influent plus sur la conduite des prêtres que l'inspiration du Saint-Esprit; que dans ses ouvrages il inspire de l'horreur contre ces massacres abominables qu'un faux zèle a fait commettre; et qu'enfin il traitait avec mépris ces querelles inintelligibles et frivoles auxquelles les théologiens de toute secte attachent tant d'importance. Ajoutons à ceci, pour achever ce tableau, que tous les ouvrages de M. de Voltaire se débitaient aussitôt qu'ils sortaient de la presse, et que, dans ce même temps, les évêques voyaient avec un saint dépit leurs mandements rongés des vers, ou pourrir dans les boutiques de leurs libraires. Voilà comme raisonnent des prêtres imbéciles. On leur pardonnerait leur bêtise, si leurs mauvais syllogismes n'influaient pas sur le repos des particuliers : tout ce que la vérité oblige de dire, c'est qu'une aussi fausse dialectique suffit pour caractériser ces êtres vils et méprisables qui, faisant profession de captiver leur raison, font ouvertement divorce avec le bon sens.
Puisqu'il s'agit ici de justifier M. de Voltaire, nous ne devons dissimuler aucune des accusations dont on le chargea. Les cagots lui imputèrent donc encore d'avoir exposé les sentiments d'Épicure, de Hobbes, de Woolston, du lord Bolingbroke et d'autres philosophes. Mais n'est-il pas clair que, loin de fortifier ces opinions par ce que tout autre y aurait pu ajouter, il se contente d'être le rapporteur d'un procès dont il abandonne la décision à ses lecteurs? Et de plus, si la religion a pour fondement la vérité, qu'a-t-elle à appréhender de tout ce que le mensonge peut inventer contre elle? M. de Voltaire en était si convaincu, qu'il ne croyait pas que des doutes de quelques philosophes puissent l'emporter sur les inspirations divines. Mais allons plus loin, comparons la morale répandue dans ses ouvrages à celle de ses persécuteurs. Les hommes doivent s'aimer comme des frères, dit-il; leur devoir est de s'aider mutuellement à supporter le fardeau de la vie, où la somme des maux l'emporte sur celle des biens; leurs opinions sont aussi différentes que leurs physionomies; loin de se persécuter parce qu'ils ne pensent pas de même, ils doivent se