<74>prendre les règles que le système de la guerre moderne fournit pour y réussir.

Charles ne dut rien à l'art, mais tout à la nature; son esprit n'était pas orné, mais hardi, ferme, susceptible d'élévation, amoureux de la gloire, et capable de lui tout sacrifier; ses actions gagnent autant à être examinées en détail que la plupart de ses projets y perdent. Sa constance, qui le rendit supérieur à la fortune, sa prodigieuse activité et sa valeur héroïque furent sans doute ses vertus éminentes. Ce prince suivit l'impulsion puissante de la nature, qui le destinait à devenir un héros. Dès que la cupidité de ses voisins le força à leur faire la guerre, son caractère, méconnu jusqu'alors, se développa tout de suite. Il est temps de le suivre dans ses différentes expéditions; je borne mes réflexions à ses neuf premières campagnes, qui fournissent un vaste champ.

Le roi de Danemark attaqua le duc de Holstein, beau-frère de Charles XII. Notre héros, au lieu d'envoyer ses forces dans ce duché, où les Suédois auraient achevé la ruine d'un prince qu'il voulait défendre, fait passer huit mille hommes en Poméranie; il s'embarque sur sa flotte, descend en Seeland, chasse des bords de la mer les troupes qui en défendaient l'approche, met le siége devant Copenhague, la capitale de son ennemi, et en moins de six semaines il force le roi de Danemark à conclure une paix avantageuse au duc de Holstein. Cela est admirable, tant pour le projet que pour l'exécution. Par ce premier coup d'essai, Charles égala Scipion, qui porta la guerre à Carthage pour faire rappeler Annibal d'Italie. De Seeland je suis ce jeune héros en Livonie : ses troupes y arrivent avec une rapidité étonnante; on peut appliquer à cette expédition le Veni, vidi, vici, de César. Le noble enthousiasme dont le Roi était animé, se communique à ses lecteurs; on se sent échauffé par le récit des exploits qui précédèrent et accompagnèrent cette grande victoire.

La conduite de Charles était sage; elle était hardie, et non pas téméraire : il fallait secourir Narwa, que le Czar assiégeait en personne; il fallait donc attaquer et battre les Russes. Leur armée, quoique nombreuse, n'était qu'une multitude de barbares mal armés, mal disciplinés, et manquant de bons généraux pour les conduire; les Suédois devaient donc s'attendre d'avoir sur les