<8>les branches bizarrement entortillées n'offrent pas même à la vue un spectacle agréable.
Lorsque, après la mort de l'empereur Charles VI, le Roi entra en Silésie à la tête de ses armées pour revendiquer l'héritage de ses ancêtres, que la prospérité de la maison d'Autriche lui avait retenu longues années avec peu d'attention à ses droits, M. Jordan suivit Sa Majesté dans la campagne de 1741, alliant la douceur du commerce des Muses au tumulte des armes, et à la dissipation d'une armée dont les mouvements et les opérations étaient continuelles. Ces campagnes et son séjour fréquent à la cour lui laissèrent cependant le temps de travailler aux différents ouvrages qui nous restent de lui, à savoir : une dissertation latine sur la vie et les écrits de Jordanus Brunus;a un Recueil de littérature, de philosophie et d'histoire;a l'Histoire de la vie et des ouvrages de M. La Croze;b sans compter quelques manuscrits qu'une modestie outrée l'empêcha de faire imprimer. Il disait qu'il fallait porter la lumière dans ces endroits ténébreux que la nature envieuse paraît vouloir cacher aux hommes, qu'il faut instruire l'univers par des faits nouveaux et dignes de son attention, ou qu'il faut savoir rendre féconde la stérilité des matières, et revêtir des traits et des carnations de la Vénus de Médicis un squelette décharné, pour publier ses ouvrages et pour faire rouler la presse. Sa critique scrupuleuse n'avait pour objet que ses ouvrages; il paraissait même regretter d'avoir laissé échapper dans sa jeunesse les premières productions de sa plume. Subjuguant son amour-propre, il corrigeait sans cesse ses nouveaux écrits, ne croyant jamais, par son travail et par son assiduité, pouvoir donner assez de preuves du respect et de la déférence qu'un auteur doit au public.
Il ne manquait aux avantages dont M. Jordan jouissait, qu'une vie moins limitée que la sienne. Les sciences, la patrie et son maître le perdirent par une maladie longue et douloureuse qui l'emporta, le 24 mai 1745, âgé de quarante-quatre ans et quelques mois, sans que sa patience l'abandonnât dans des maux dont le
a Prenzlow, 1726.
a Amsterdam. 1730.
b Amsterdam. 1741.