CHAPITRE XIV.
Il y a une espèce de pédanterie commune à tous les métiers, qui ne vient que de l'avarice et de l'intempérance de ceux qui les pratiquent. Un soldat est pédant lorsqu'il s'attache trop à la minutie, ou lorsqu'il est fanfaron et qu'il donne dans le don-quichottisme.
L'enthousiasme de Machiavel expose ici son prince à être ridicule : il exagère si fort la matière, qu'il veut que son prince ne soit uniquement que soldat; il en fait un Don Quichotte complet, qui n'a l'imagination remplie que de champs de bataille, de retranchements, de la manière d'investir des places, de faire des lignes et des attaques.
Mais un prince ne remplit que la moitié de sa vocation, s'il ne s'applique qu'au métier de la guerre; il est évidemment faux qu'il ne doit être que soldat, et l'on peut se souvenir de ce que j'ai dit sur l'origine des princes, au premier chapitre de cet ouvrage. Ils sont juges d'institution; et s'ils sont généraux, c'est un accessoire. Le prince de Machiavel est comme les dieux d'Homère, que l'on dépeignait très-robustes et puissants, mais jamais équitables. Cet auteur ignore jusqu'au catéchisme de la justice; il ne connaît que l'intérêt et la violence.
L'auteur ne représente jamais que de petites idées; son génie rétréci n'embrasse que des sujets propres pour la politique des petits princes. Rien de plus faible que les raisons dont il se sert pour recommander la chasse aux princes : il est dans l'opinion que les princes apprendront par ce moyen à connaître les situations et les passages de leur pays.