<121>Il lui fallait des exemples; mais d'où les aurait-il pris, que du registre des procès criminels, ou de l'histoire des mauvais papes et des Nérons? Il assure qu'Alexandre VI, l'homme le plus faux, le plus impie de son temps, réussit toujours dans ses fourberies, puisqu'il connaissait parfaitement la faiblesse des hommes sur la crédulité.

J'ose assurer que ce n'était pas tant la crédulité des hommes que de certains événements et de certaines circonstances qui firent réussir quelquefois les desseins de ce pape; surtout, le contraste de l'ambition française et espagnole, la désunion et la haine des familles d'Italie, les passions et la faiblesse de Louis XII n'y contribuèrent pas moins.

La fourberie est même un défaut en style de politique, lorsqu'on la pousse trop loin. Je cite l'autorité d'un grand politique : c'est don Louis de Haro, qui disait du cardinal Mazarin qu'il avait un grand défaut en politique, c'est qu'il était toujours fourbe. Ce même Mazarin voulant employer M. de Fabert à une négociation scabreuse, le maréchal de Fabert lui dit : « Souffrez, monseigneur, que je refuse de tromper le duc de Savoie, d'autant plus qu'il n'y va que d'une bagatelle; on sait dans le monde que je suis honnête homme; réservez donc ma probité pour une occasion où il s'agira du salut de la France. »

Je ne parle point, dans ce moment, de l'honnêteté ni de la vertu; mais, ne considérant simplement que l'intérêt des princes, je dis que c'est une très-mauvaise politique de leur part d'être fourbes et de duper le monde : ils ne dupent qu'une fois, ce qui leur fait perdre la confiance de tous les princes.

Une certaine puissance,a en dernier lieu, déclara dans un manifeste les raisons de sa conduite, et agit ensuite d'une manière directement opposée. J'avoue que des traits aussi frappants que ceux-là aliènent entièrement la confiance; car, plus la contradiction se suit de près, et plus elle est grossière. L'Église romaine, pour éviter une contradiction pareille, a très-sagement fixé à ceux qu'elle place au nombre des saints le noviciat de cent


a L'Auteur veut parler de l'empereur Charles VI. Voyez t. I, p. 191-194; voyez aussi Journal secret du baron de Seckendorff. A Tubingue, 1811, p. 138 et 139.