<131>dans leurs querelles particulières l'avantage du prince et le salut des peuples.
Rien ne contribue donc plus à la force d'une monarchie que l'union intime et inséparable de tous ses membres, et ce doit être le but d'un prince sage de l'établir.
Ce que je viens de répondre à la troisième question de Machiavel peut en quelque sorte servir de solution à son quatrième problème; examinons cependant et jugeons en deux mots si un prince doit fomenter des factions contre lui-même, ou s'il doit gagner l'amitié de ses sujets.
C'est forger des monstres pour les combattre que de se faire des ennemis pour les vaincre; il est plus naturel, plus raisonnable, plus humain de se faire des amis. Heureux sont les princes qui connaissent les douceurs de l'amitié!a plus heureux sont ceux qui méritent l'amour et l'affection des peuples!
Nous voici à la dernière question de Machiavel, savoir : si un prince doit avoir des forteresses et des citadelles, ou s'il doit les raser.
Je crois avoir dit mon sentiment dans le chapitre dixième pour ce qui regarde les petits princes; venons à présent à ce qui intéresse la conduite des rois.
Dans le temps de Machiavel, le inonde était dans une fermentation générale; l'esprit de sédition et de révolte régnait partout; l'on ne voyait que des factions et des tyrans : les révolutions fréquentes et continuelles obligèrent les princes de bâtir des citadelles sur les hauteurs des villes, pour contenir, par ce moyen, l'esprit inquiet des habitants.
Depuis ce siècle barbare, soit que les hommes se soient lassés de s'entre-détruire, soit plutôt parce que les souverains ont dans leurs États un pouvoir plus despotique, on n'entend plus tant parler de séditions et de révoltes, et l'on dirait que cet esprit d'inquiétude, après avoir assez travaillé, s'est mis à présent dans une assiette tranquille; de sorte que l'on n'a plus besoin de citadelles pour répondre de la fidélité des villes et du pays. Il n'en est pas de même des fortifications pour se garantir des ennemis et pour assurer davantage le repos de l'État.
a Voyez ci-dessus, p. 58.