<14>nous y verrons une expression de mœurs qui n'est pas de peu d'utilité pour les grands hommes qui savent en faire usage.

L'Empereur, selon l'alliance qu'il avait faite avec la Russie, devait placer la couronne de Pologne sur la tète d'Auguste, électeur de Saxe : il n'imagina point de meilleur moyen d'y réussir que les voies de fait. Ses armées se tinrent aux confins de la Pologne, tandis que les troupes russiennes firent une invasion sur les terres de la République, et s'approchèrent à peu de distance de Varsosie. Ainsi à Vienne on ne connaissait que la violence qui pût ouvrir à Auguste les barrières du trône des Sarmates.

Le ministère français, plus humain, mais plus rusé, pensa d'une manière différente : il n'employa que la force d'un métal séducteur pour élever Stanislas à la dignité suprême. Le ministre de l'Empereur à Varsovie éclatait en menaces, celui de France n'employait que les paroles flatteuses et les caresses; l'un voulait intimider les esprits, l'autre voulait les gagner par sa douceur. L'un, comme un lion furieux, tombait sur sa proie; l'autre, comme une sirène, charmait par sa voix tous ceux qui l'approchaient. Enfin les Français, par leurs artifices et leurs intrigues, se rendirent maîtres des cœurs, tandis que les Impériaux effrayèrent les poltrons. Mais comme en Pologne le nombre de ceux qui craignent excède infiniment le nombre de ceux qui sont au-dessus de la crainte, il n'est pas étonnant que Stanislas ne se soit point soutenu sur le trône.

Toutefois ne nous méfions pas tant de ceux qui n'exécutent leurs projets que par les moyens que leur hauteur et qu'un esprit altier leur dicte : ils se desservent eux-mêmes, en ce qu'ils se rendent odieux; leur violence est un antidote qui guérit du venin que leurs desseins ambitieux pourraient communiquer. Mais défions-nous plutôt de ceux qui, par de sourdes pratiques, par des manières flatteuses, par une douceur simulée, veulent nous entraîner dans l'esclavage : ils nous jettent un hameçon dont le fer est caché sous une amorce séduisante, mais qui nous trompe, en nous privant de la liberté, lorsque notre prudence s'y laisse surprendre.

Comme il est certain que tout doit avoir une raison de son existence, et qu'on trouve la cause des événements dans d'autres