<161>religions, qui surtout a donné du poids à des querelles de parti, lesquelles ne sont que des étincelles passagères quand le souverain ne s'en mêle pas, et qui deviennent des embrasements quand il les fomente.
Maintenir le gouvernement civil avec vigueur et laisser à chacun la liberté de conscience, être toujours roi et ne jamais faire le prêtre, est le sûr moyen de préserver son État des tempêtes que l'esprit dogmatique des théologiens cherche toujours à exciter.
Les guerres étrangères de religion sont le comble de l'injustice et de l'absurdité. Partir d'Aix-la-Chapelle pour aller convertir les Saxons le fer à la main, comme Charlemagne, ou équiper une flotte pour aller proposer au Soudan d'Égypte de se faire chrétien, sont des entreprises bien étranges. La fureur des croisades est passée; fasse le ciel qu'elle ne revienne jamais!
La guerre, en général, est si féconde en malheurs, l'issue en est si peu certaine, et les suites en sont si ruineuses pour un pays, que les princes ne sauraient assez réfléchir avant que de s'y engager. Les violences que les troupes commettent dans un pays ennemi ne sont rien en comparaison des malheurs qui rejaillissent directement sur les États des princes qui entrent en guerre; c'est un acte si grave et de si grande importance de l'entreprendre, qu'il est étonnant que tant de rois en aient pris si facilement la résolution.
Je me persuade que si les monarques voyaient un tableau vrai et fidèle des misères qu'attire sur les peuples une seule déclaration de guerre, ils n'y seraient point insensibles. Leur imagination n'est pas assez vive pour leur représenter au naturel des maux qu'ils n'ont point connus, et desquels leur condition les met à l'abri. Comment sentiront-ils ces impôts qui accablent les peuples, la privation de la jeunesse du pays, que les recrues emportent, ces maladies contagieuses qui désolent les armées, l'horreur des batailles et ces siéges plus meurtriers encore, la désolation des blessés que le fer ennemi a privés de quelques-uns de leurs membres, uniques instruments de leur industrie et de leur subsistance, la douleur des orphelins qui ont perdu, par la mort de leur père, l'unique soutien de leur faiblesse, la perte de tant d'hommes utiles à l'État, que la mort moissonne avant le temps?